Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 19 juillet dernier, les articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit à la vie et à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (Ketreb c. France, requête n°38447/09). Les requérantes considèrent, d’une part, que le droit à la vie de leur frère, qui s’est suicidé alors qu’il était détenu dans une cellule disciplinaire d’une maison d’arrêt française, n’a pas fait l’objet d’une protection adéquate par les autorités pénitentiaires et, d’autre part, qu’il a subi une sanction disciplinaire inadaptée à son état psychologique fragile. Concernant le droit à la vie, la Cour relève que, même si dès son incarcération, le frère des requérantes a bénéficié d’un accès à des médecins et d’une prise en charge psychiatrique, les autorités pénitentiaires auraient dû anticiper son attitude suicidaire. Elle note qu’aucune mesure spéciale n’a été mise en place, telle qu’une surveillance appropriée ou encore une fouille régulière qui aurait, notamment, permis de trouver la ceinture avec laquelle il s’est suicidé. La Cour conclut qu’en manquant à leur obligation positive de protéger le droit à la vie du détenu, les autorités pénitentiaires ont violé l’article 2 de la Convention. Concernant l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, la Cour rappelle que les détenus se trouvent dans une situation de particulière vulnérabilité. Elle précise, en outre, que le comportement violent du détenu requérait de la part des autorités une vigilance particulière et un suivi adapté durant son séjour. Elle estime que le placement en cellule disciplinaire pendant 15 jours n’est pas compatible avec le niveau de traitement exigé à l’égard d’une personne atteinte de troubles mentaux ou dépressifs et, partant, conclut à la violation de l’article 3 de la Convention. (AB)