Saisie de 2 requêtes dirigées contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 2 avril dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Vinci Construction et GTM génie civil services c. France, requêtes n°63629/10 et 60567/10). Dans le litige au principal, les locaux des 2 sociétés requérantes ont fait l’objet de visites et de saisies réalisées par des enquêteurs de la DGCCRF dans le cadre d’une enquête ouverte pour des faits d’entente illicite, et au cours desquelles de nombreux documents et fichiers informatiques ont été saisis, ainsi que l’intégralité de la messagerie électronique de certains employés. Les requérantes arguaient d’une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, du domicile et des correspondances en raison du non-respect de la confidentialité qui s’attache aux relations entre un avocat et son client, compte-tenu du caractère massif et indifférencié des saisies pratiquées et de l’absence d’inventaire précis. La Cour considère que les visites et la saisie de données électroniques constituent une ingérence. La Cour relève, dans un premier temps, que l’ingérence était prévue par la loi et que son but, tendant à la recherche d’indices et de preuves de l’existence d’ententes illicites, était légitime, au sens de l’article 8 §2 de la Convention, car elle cherchait à assurer le bien-être économique du pays et la prévention des infractions pénales. Elle considère, dans un deuxième temps, que les visites litigieuses avaient pour objectif de rechercher les preuves d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles et n’apparaissent pas, à ce titre, disproportionnées. La Cour estime, ensuite, que si les saisies pratiquées n’ont pas été, selon elle, massives et indifférenciées, elles ont, toutefois, porté sur de nombreux documents incluant, notamment, des correspondances échangées avec des avocats. En outre, elle relève que pendant le déroulement des opérations, les requérantes n’ont pu ni discuter de l’opportunité de la saisie des documents ni prendre connaissance de leur contenu. Or, à défaut de pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l’objet de l’enquête et a fortiori de ceux relevant de la confidentialité qui s’attache aux relations entre un avocat et son client, les requérantes devaient pouvoir faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective leur régularité. La Cour constate qu’en l’espèce, si les requérantes ont exercé le recours que la loi prévoyait devant le juge compétent, ce dernier, tout en envisageant la présence d’une correspondance émanant d’un avocat parmi les documents retenus par les enquêteurs, s’est contenté d’apprécier la régularité du cadre formel des saisies litigieuses, sans procéder à l’examen concret qui s’imposait. Dès lors, la Cour considère que les visites et les saisies dans les locaux des sociétés requérantes étaient disproportionnées par rapport au but visé. Partant, elle conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. (ES)