Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Conseil d’Etat (France), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 16 novembre dernier, les articles 2, sous a), et 3 §1 de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, lesquels sont relatifs au droit de reproduction et au droit de communication d’œuvres au public (Soulier et Doke, aff. C-301/15). Dans l’affaire au principal, des auteurs d’œuvres littéraires ont contesté un décret précisant les modalités d’un dispositif prévu par la loi visant à rendre les livres indisponibles à nouveaux accessibles en organisant leur exploitation commerciale sous une forme numérique. Les livres indisponibles sont des ouvrages publiés en France avant le 1er janvier 2001 et ne faisant plus l’objet ni d’une diffusion commerciale ni d’une publication sous forme imprimée ou numérique. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si la directive s’oppose à une réglementation nationale qui confie à une société agréée de perception et de répartition de droits d’auteur l’exercice du droit d’autoriser la reproduction et la communication au public, sous une forme numérique, de livres indisponibles, tout en permettant aux auteurs ou ayants droit de ces livres de s’opposer ou de mettre fin à cet exercice dans les conditions que cette réglementation définit. Tout d’abord, la Cour rappelle que, sous réserve des exceptions et limitations prévues exhaustivement par la directive, toute utilisation d’une œuvre par un tiers sans le consentement préalable de l’auteur porte atteinte aux droits de ce dernier. Ensuite, elle précise que ce consentement peut être implicite si l’auteur a reçu une information effective quant à l’utilisation envisagée de l’œuvre et aux moyens mis à sa disposition pour l’interdire, lui permettant de prendre position sur l’utilisation de son œuvre. A cet égard, la Cour relève, en l’espèce, que la réglementation permet aux auteurs de s’opposer à l’exploitation numérique des livres indisponibles dans les 6 mois suivant leur inscription sur une base de données spécifique. Néanmoins, elle constate qu’aucun mécanisme ne semble garantir l’information effective et individualisée des auteurs qui, dès lors, peuvent ne pas avoir connaissance de l’utilisation envisagée de leurs œuvres et, le cas échéant, ne pas prendre position sur cette utilisation. Enfin, la Cour relève que la réglementation française permet aux auteurs de mettre fin à l’exploitation numérique de l’œuvre, soit d’un commun accord avec l’éditeur de l’œuvre imprimée, soit seuls s’ils prouvent qu’ils sont seuls titulaires des droits sur l’œuvre. Or, la Cour estime que l’auteur doit pouvoir mettre fin à l’exercice, par un tiers, des droits d’exploitation sous forme numérique détenus sur l’œuvre, et lui en interdire toute utilisation future sous une telle forme, sans devoir se soumettre au préalable à une formalité consistant à prouver que d’autres personnes ne sont pas, par ailleurs, titulaires d’autres droits sur ladite œuvre. Partant, la Cour conclut que la directive s’oppose à une réglementation telle que celle en cause au principal. (MS)