Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 18 septembre dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Brunet c. France, requête n°21010/10). Le requérant, ressortissant français, a été inscrit dans le système de traitement des infractions constatées (« STIC ») qui est un fichier répertoriant les informations provenant de comptes rendus d’enquêtes rédigés à partir des procédures établies par les personnels de la police, de la gendarmerie et des douanes. Après le classement sans suite de la procédure à son encontre, le requérant a demandé au procureur de la République l’effacement de ses données du fichier, ce qui lui a été refusé au motif que la procédure avait fait l’objet d’une décision de classement sans suite fondée sur une autre cause que l’absence d’infraction ou une infraction insuffisamment caractérisée. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant alléguait que le refus de procéder à l’effacement de ses données personnelles contenues dans le STIC constituait une ingérence dans son droit à la vie privée. La Cour note, tout d’abord, que l’inscription au STIC des données relatives au requérant constitue une ingérence dans son droit à la vie privée mais peut poursuivre le but légitime de prévention des infractions pénales. Elle rappelle que le droit interne doit s’assurer que ces données sont pertinentes et non excessives et qu’elles sont conservées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées. La Cour relève que la loi ne donne au procureur le pouvoir d’ordonner l’effacement d’une fiche que dans un nombre restreint d’hypothèses et uniquement si le classement sans suite a été motivé par une insuffisance des charges. Elle estime que le procureur ne bénéficie d’aucune marge d’appréciation pour évaluer l’opportunité de conserver de telles données, de sorte qu’un tel contrôle ne saurait passer pour effectif. La Cour en déduit que, bien que la conservation des données personnelles soit limitée dans le temps, le requérant n’a pas disposé d’une possibilité réelle de demander l’effacement des données le concernant. Elle considère, dès lors, que la France a outrepassé sa marge d’appréciation en la matière, le régime de conservation des fiches dans le STIC ne traduisant pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu. Partant, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention. (MG)