Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 16 juin dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Versini-Campinchi et Crasnianski c. France, requête n°49176/11). La requérante, de nationalité française, est avocate. Invoquant l’article 8 de la Convention, elle se plaignait de l’interception et de la transcription d’une conversation qu’elle a eue avec l’un de ses clients, et de l’utilisation contre elle, à des fins disciplinaires, des procès-verbaux correspondants. La Cour souligne, tout d’abord, que l’interception, l’enregistrement, la transcription de la conversation téléphonique ainsi que l’utilisation de cette transcription dans le cadre de la procédure disciplinaire conduite contre la requérante constituent une ingérence dans l’exercice du droit au respect de sa vie privée et de sa correspondance. La Cour précise, ensuite, s’agissant de la base légale, que la requérante, professionnelle du droit, pouvait prévoir, notamment, que la ligne téléphonique de son client était susceptible d’être placée sous écoute sur le fondement du Code de procédure pénale et que ceux des propos qu’elle lui tiendrait sur cette ligne qui seraient de nature à faire présumer sa participation à une infraction pourraient être enregistrés et transcrits malgré sa qualité d’avocate. La Cour admet, en outre, que les agissements contestés poursuivaient le but légitime de la défense de l’ordre. Enfin, s’agissant de la question de savoir si l’ingérence est proportionnée au but poursuivi, elle considère que, même si elle n’a pas eu la possibilité de saisir un juge d’une demande d’annulation de la transcription de la communication téléphonique, il y a eu, dans les circonstances particulières de l’espèce, un contrôle efficace, apte à limiter l’ingérence litigeuse à ce qui était nécessaire dans une société démocratique. Sur le poids à accorder au fait que la requérante communiquait avec son client en sa qualité d’avocate, la Cour rappelle qu’elle accorde une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients qui se justifie par le fait que les avocats se voient confier une mission fondamentale à savoir la défense des justiciables. Elle souligne que si le secret professionnel des avocats a une grande importance tant pour l’avocat et son client que pour le bon fonctionnement de la justice, il n’est pas pour autant intangible. Elle ajoute qu’il implique surtout des obligations à la charge des avocats et que c’est dans la mission de défense dont ils sont chargés qu’il trouve son fondement. La Cour note que le droit français admet au principe de la confidentialité des conversations téléphoniques entre un avocat et son client une exception lorsqu’il est établi que le contenu d’une conversation est de nature à faire présumer la participation de l’avocat lui-même à des faits constitutifs d’une infraction. Ainsi, dès lors que la transcription de la conversation entre la requérante et son client était fondée sur le fait que son contenu était de nature à faire présumer que la requérante avait elle-même commis une infraction et que le juge interne s’est assuré que cette transcription ne portait pas atteinte aux droits de la défense du client, la Cour estime que la circonstance que la première était l’avocate du second ne suffit pas pour caractériser une violation de l’article 8 de la Convention. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 8 de la Convention. (AB)