Saisie d’une requête dirigée contre la Suisse, la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 11 mars dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Howald Moor e.a. c. Suisse, requêtes n°52067/10 et 41072/11). Les requérantes, ressortissantes suisses, épouse et filles d’un ouvrier victime d’une tumeur cancéreuse causée par les contacts avec l’amiante dans le cadre de son travail dans les années 1970, invoquaient la violation de leur droit d’accès à un tribunal. En effet, les tribunaux suisses ont rejeté leurs actions en dommages et intérêts vis-à-vis de l’employeur et des autorités suisses au motif que celles-ci étaient prescrites, le délai de prescription de 10 ans commençant à courir à partir de l’acte dommageable. La Cour constate, tout d’abord, que dans le cas de telles maladies, dont la période de latence peut s’étendre sur plusieurs décennies, le délai de 10 ans sera toujours expiré et ainsi, que toute action en justice sera vouée à l’échec. La Cour note, ensuite, que si la sécurité juridique est un but légitime, celui-ci ne justifie pas une privation, pour les victimes, de la possibilité de faire valoir leurs droits. Elle considère, dès lors, que le fait, lorsqu’il est scientifiquement prouvé, que la victime ne puisse pas savoir qu’elle est malade, devrait être pris en compte pour le calcul du délai de prescription. Partant, au vu des circonstances exceptionnelles de l’affaire, la Cour conclut à une violation de l’article 6 §1 de la Convention. (FS)