L’Avocat général Tanchev a présenté, le 28 juin dernier, ses conclusions concernant l’interprétation des dispositions de la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (Minister for Justice and Equality c. LM, aff. C‑216/18 PPU). La Cour de justice de l’Union européenne a été saisie d’un renvoi préjudiciel par la High Court (Irlande). Dans l’affaire au principal, le requérant, ressortissant polonais, a fait l’objet de 3 mandats d’arrêt européens émis par la Pologne. Il a été arrêté en Irlande mais n’a pas consenti à sa remise aux autorités polonaises au motif, notamment, qu’en raison des récentes réformes législatives du système judiciaire polonais et du ministère public, il court un risque réel de subir un déni de justice flagrant en Pologne. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur les points de savoir si, lorsqu’une juridiction nationale constate qu’il existe des éléments de preuve convaincants démontrant que la situation existant dans l’Etat membre d’émission est incompatible avec le droit fondamental à un procès équitable, l’autorité judiciaire d’exécution est tenue, d’une part, d’apprécier, de manière concrète et précise, si la personne concernée risque de ne pas bénéficier d’un procès équitable et, d’autre part, de demander à l’autorité judiciaire d’émission de lui fournir toute information complémentaire nécessaire en ce qui concerne les conditions dans lesquelles se tiendra le procès de la personne concernée. L’Avocat général observe, au préalable, qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’existence d’un risque réel de violation du droit à un procès équitable en raison de défaillances du système judiciaire polonais, puisque cette dernière n’est pas saisie d’un recours en manquement. S’agissant de la 1ère question, l’Avocat général souligne, tout d’abord, qu’il doit exister un risque réel de déni de justice flagrant dans l’Etat membre concerné. L’exécution d’un mandat d’arrêt européen ne peut, en effet, être reportée que si le risque réel de violation porte sur le caractère essentiel du droit à un procès équitable. L’Avocat général relève, ensuite, qu’il appartient au juge de renvoi de déterminer si, dans l’affaire en cause, le défaut d’indépendance allégué des juridictions polonaises est d’une telle gravité qu’il réduit à néant l’équité du procès et constitue, de ce fait, un déni de justice flagrant. Celui-ci doit se fonder sur des éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés sur les conditions prévalant dans l’Etat membre d’émission, qui démontrent la réalité de défaillances affectant le système judiciaire polonais. A cet égard, le juge de renvoi doit s’informer des éventuelles évolutions de la situation en Pologne qui seraient postérieures aux propositions motivées de la Commission ou aux avis de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe. L’Avocat général considère, enfin, que l’autorité judiciaire d’exécution est tenue de vérifier si la personne concernée est exposée au risque de déni de justice flagrant avant de reporter l’exécution d’un mandat d’arrêt européen. S’agissant de la 2nde question, l’Avocat général considère qu’il revient à l’autorité judiciaire d’exécution d’utiliser la faculté de la décision-cadre pour obtenir des informations relatives à la législation nationale et sur les particularités tenant à la personne concernée et à la nature de l’infraction qui seraient susceptibles d’exposer cette personne au risque réel de déni de justice flagrant constaté. Si l’autorité considère que tel est le cas, l’exécution du mandat d’arrêt européen doit être reportée mais ne saurait être abandonnée. (MG)