Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Cour de Cassation (France), la Grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 14 novembre dernier, l’article 101 TFUE lu conjointement, notamment, avec l’article 2 du règlement n°26/CEE portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles ainsi que l’article 11 §1 du règlement 2200/96/CE portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (APVE e.a., aff. C-671/15). Dans l’affaire au principal, l’Autorité de la concurrence a constaté et sanctionné financièrement une entente complexe et continue sur le marché français des endives sur le fondement de l’article 101 §1 TFUE. Celle-ci consistait en une concertation sur le prix des endives, au moyen de différents dispositifs tels que la diffusion hebdomadaire d’un prix minimum, la fixation d’un cours pivot et un système d’échanges d’informations stratégiques et avait, notamment, pour objet la fixation en commun d’un prix minimum de vente à la production d’endives. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 101 TFUE et, notamment, l’article 2 du règlement n°26/CEE doivent être interprétés en ce sens que des pratiques, telles que celles en cause au principal, par lesquelles des Organisations de producteurs (« OP »), des Associations d’OP (« AOP ») et des organisations professionnelles procèdent à la fixation collective des prix minima de vente, se concertent sur les quantités mises sur le marché et échangent des informations stratégiques, sont exclues du champ d’application de l’interdiction des ententes prévue à l’article 101 §1 TFUE. La Cour rappelle, tout d’abord que l’article 42 TFUE énonce que les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables aux produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne. Les interventions du législateur de l’Union ont, selon elle, pour objet, non pas d’établir des dérogations ou des justifications à l’interdiction des pratiques visées à l’article 101 §1 TFUE, mais d’exclure du champ d’application de ces dispositions des pratiques qui pourraient en relever. Elle estime, ensuite, que le législateur de l’Union a précisé l’articulation de la politique agricole commune et des règles de concurrence aux articles 1er du règlement n°26/CEE, 1er bis du règlement 1184/2006/CE et 175 du règlement 1234/2007/CE. Dans la mesure où une OP ou une AOP pourrait, afin d’atteindre les objectifs d’optimiser les coûts de production et de régulariser les prix à la production, devoir recourir à des moyens différents de ceux qui gouvernent le fonctionnement normal des marchés et, en particulier, certaines formes de coordination et de concertation, la Cour estime qu’afin d’assurer l’effet utile des règlements portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes, les pratiques de ces entités, si elles sont nécessaires pour atteindre un ou plusieurs de ces objectifs, doivent échapper à l’interdiction des ententes prévue à l’article 101 §1 TFUE. Pour autant, la Cour juge, enfin, que la portée de cette exclusion est d’interprétation stricte et qu’elle doit respecter le principe de proportionnalité en vertu duquel les pratiques concernées ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour atteindre les objectifs assignés à l’OP ou à l’AOP en cause. Ainsi, une pratique adoptée au sein d’une entité non reconnue par un Etat membre pour poursuivre l’un des objectifs ne saurait échapper à l’interdiction des pratiques visées à l’article 101 §1 TFUE. (JJ)