Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Tribunal Superior de Justicia del País Vasco (Espagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 13 juillet dernier, l’article 27 §2, alinéa 2, de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, lequel concerne les mesures d’ordre public ou de sécurité publique restreignant la liberté de circulation et de séjour (E. c. Espagne, aff. C-193/16). Dans l’affaire au principal, un ressortissant italien, résidant en Espagne, a été condamné à 12 ans d’emprisonnement pour des infractions répétées d’abus sexuels sur mineurs. Les autorités espagnoles ont adopté une décision ordonnant son éloignement du territoire espagnol avec interdiction de retour pendant 10 ans en raison de ses condamnations pénales, dont il purgeait les peines dans un établissement pénitentiaire en Espagne. Le ressortissant italien a introduit un recours à l’encontre de cette décision d’éloignement. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si la directive doit être interprétée en ce sens que la circonstance qu’une personne est incarcérée au moment de l’adoption d’une décision d’éloignement à son encontre, sans perspective de libération dans un avenir proche, exclut que son comportement puisse représenter une menace réelle et actuelle pour un intérêt fondamental de la société de l’Etat membre d’accueil. A cet égard, la Cour rappelle que, pour être justifiées, les mesures de restriction du droit de séjour d’un citoyen de l’Union européenne ou d’un membre de sa famille doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné, un tel comportement devant représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. A cet égard, elle relève que l’exploitation sexuelle des enfants fait partie des domaines de la criminalité particulièrement grave, dont il est loisible aux Etats membres de considérer qu’elle est susceptible de relever de la notion de « raisons impérieuses de sécurité publique » pouvant justifier une mesure d’éloignement au titre de la directive. La Cour ajoute que la circonstance que la personne concernée est incarcérée au moment de l’adoption d’une décision d’éloignement à son encontre, sans perspective de libération avant plusieurs années, ne saurait être considérée comme se rapportant à son comportement personnel. Elle rappelle, en outre, que la possibilité d’adopter une mesure d’éloignement, à titre de mesure accessoire à une peine de détention, est expressément prévue à l’article 33 de la directive, s’il est établi que le comportement de la personne condamnée représente une menace réelle et actuelle pour un intérêt fondamental de la société de l’Etat membre d’accueil. Partant, la Cour conclut que la circonstance qu’une personne est incarcérée au moment de l’adoption d’une décision d’éloignement à son encontre, sans perspective de libération dans un avenir proche, n’exclut pas que son comportement représente une menace au caractère réel et actuel pour un intérêt fondamental de la société de l’Etat membre d’accueil. (AG)