Saisie d’un renvoi préjudiciel par le tribunal administratif de Luxembourg, la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 14 décembre dernier, l’article 7 §2 du règlement 492/2011/UE relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union européenne, lequel est relatif à l’égalité de traitement des travailleurs en matière d’avantages sociaux et fiscaux (Bragança Linares Verruga, aff. C-238/15). Dans l’affaire au principal, un ressortissant français, résidant avec ses parents en France et étudiant en Belgique, a sollicité une bourse d’étude auprès du Luxembourg, où ses parents travaillent depuis de nombreuses années malgré de courtes interruptions inférieures à 3 mois. Cette bourse lui a été refusée sur le fondement de la législation luxembourgeoise qui prévoit que les enfants de travailleurs frontaliers, employés ou exerçant leur activité au Luxembourg, peuvent demander une bourse d’étude à condition que l’un des parents ait travaillé au Luxembourg pendant une durée minimale et ininterrompue de 5 ans au moment de la demande. Un recours en annulation a été introduit contre ce refus. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si le règlement doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un Etat membre telle que celle en cause au principal. La Cour relève, tout d’abord, que la condition litigieuse pour bénéficier d’une bourse d’étude constitue une discrimination indirecte fondée sur la nationalité puisqu’elle n’est pas prévue pour les étudiants qui résident sur le territoire luxembourgeois et est davantage susceptible de jouer au détriment des ressortissants d’autres Etats membres. La Cour examine, ensuite, si cette discrimination peut être justifiée. A cet égard, elle estime qu’une action d’un Etat membre visant à assurer un niveau élevé de formation de la population résidente poursuit un objectif légitime susceptible de justifier une discrimination indirecte sur la base de la nationalité. La Cour analyse, enfin, si la condition litigieuse est appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. A ce titre, elle considère qu’une telle condition est de nature à établir un lien de rattachement suffisant du travailleur frontalier avec la société luxembourgeoise ainsi qu’une probabilité raisonnable d’un retour de l’étudiant au Luxembourg, après l’achèvement de ses études, permettant de lutter contre le risque d’apparition d’un « tourisme de bourses d’études ». Toutefois, la Cour estime qu’une telle condition ne permet pas aux autorités d’octroyer une bourse d’étude lorsque, comme dans l’affaire au principal, les parents ont, nonobstant de brèves interruptions, travaillé dans l’Etat membre pendant une durée significative, en l’espèce près de 8 années, au cours de la période précédant la demande. Elle considère qu’il s’agit d’une restriction qui va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, en ce que de telles interruptions de travail ne sont pas de nature à rompre le lien de rattachement entre le demandeur de l’aide financière et le Luxembourg. Partant, la Cour conclut que le droit de l’Union s’oppose à une législation telle que celle en cause au principal. (MS)