Saisie d’une requête dirigée contre la Grèce, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 9 novembre dernier, les articles 6 §1 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit à un procès équitable et au droit à un recours effectif, ainsi que l’article 2 du Protocole n°7 de la Convention, relatif au droit à un double degré de juridiction (Firat c. Grèce, requête n°46005/11). Le requérant, ressortissant turc, est détenu en prison en Grèce pour avoir transporté illégalement des migrants vers cet Etat et pour avoir provoqué un naufrage qui aurait pu leur être fatal. Condamné à une peine de réclusion de 10 ans et 6 mois par un jugement non assorti d’effet suspensif, le requérant a interjeté appel. L’audience a été reportée à 2 reprises et, 4 ans après le jugement de 1ère instance, les juges l’ont condamné à une peine de réclusion de 7 ans et 2 mois. La juridiction nationale a ordonné, par la suite, sa mise en liberté sous condition. Devant la Cour, le requérant se plaignait, d’une part, de la durée de la procédure d’appel et de l’absence d’un recours effectif et, d’autre part, du fait que la peine qu’il a dû purger, en raison du report de l’audience, est supérieure à celle qu’il aurait dû accomplir. Sur la violation alléguée des articles 6 §1 et 13 de la Convention, la Cour rappelle que la période entre les 2 instances a duré un peu plus de 4 ans et que l’audience d’appel a été ajournée à 2 reprises pour des motifs indépendants de l’attitude du requérant. Ainsi, elle estime que la durée de la procédure litigieuse est excessive et n’a pas répondu à l’exigence de délai raisonnable. En outre, puisque la loi introduisant un recours indemnitaire pour le préjudice causé par la prolongation injustifiée d’une procédure devant les juridictions pénales n’était pas en vigueur au moment des faits, le requérant n’a pas disposé d’un recours effectif qui lui aurait permis d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable. Partant, la Cour conclut à la violation des articles 6 §1 et 13 de la Convention. S’agissant de la violation alléguée de l’article 2 du Protocole n°7 de la Convention, elle note qu’en raison de l’introduction par le requérant d’une procédure d’appel et de l’absence d’effet suspensif de celle-ci, une décision relative à sa mise en liberté ne pouvait intervenir qu’après le prononcé de l’arrêt de la juridiction d’appel. La Cour souligne que, même si la cour d’appel n’avait pas reporté l’audience, les conditions prévues par le code pénal grec pour la mise en liberté sous condition du requérant n’auraient pas été remplies. En outre, elle observe que cette mise en liberté n’est pas automatique et n’est accordée que dans des cas spécifiques. Partant, la Cour considère que l’exercice par le requérant de son droit à un double degré de juridiction ne s’est pas fait au prix de sa liberté et conclut à la non-violation de l’article 2 du Protocole n°7 de la Convention. (CB)