Saisie d’une requête dirigée contre la Russie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 15 mai dernier, l’article 5 §3 et l’article 10, lu à la lumière de l’article 11, de la Convention européenne des droits de l’homme, relatifs au droit à la liberté et à la sûreté et à la liberté d’expression (Taranenko c. Russie, requête n°19554/05 – disponible uniquement en anglais). La requérante, de nationalité russe, a été arrêtée puis placée en détention provisoire durant 1 an après sa participation à une manifestation dirigée contre la politique du Président de la Russie. Durant sa détention provisoire, ses demandes de remise en liberté ont été rejetées et elle a été condamnée à une peine de 3 ans de prison avec sursis assortie d’une mise à l’épreuve. La requérante a été remise en liberté après confirmation du jugement d’appel. Devant la Cour, elle se plaignait de ses conditions de détention inadaptées à ses maladies chroniques. En outre, la requérante soutenait que la durée excessive de sa privation de liberté était contraire à son droit d’être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure et que la sévérité de la peine prononcée constituait une violation à l’exercice de sa liberté d’expression. La Cour constate que les juridictions russes se sont fondées sur le risque élevé de fuite ou de récidive de la requérante pour justifier son placement en détention provisoire durant 1 an. Dès lors, elles n’ont pas tenu compte de la situation personnelle de la requérante qui ne présentait aucun antécédent judiciaire et qui justifiait d’un emploi et d’un domicile fixes. La Cour relève, ensuite, que les juridictions russes n’ont pas présenté de motifs pertinents et suffisants qui justifieraient la prolongation de la détention provisoire de la requérante. La Cour considère donc qu’il y a eu violation de l’article 5 §3 de la Convention. Concernant l’atteinte à la liberté d’expression qui est interprétée à la lumière de la liberté de réunion et d’association, la Cour rappelle, tout d’abord, que le placement en détention et la condamnation à une peine de prison sont justifiés s’ils constituent une ingérence « nécessaire dans une société démocratique ». Compte tenu de l’introduction des manifestants dans le bâtiment présidentiel sans aucune autorisation, elle considère que leur arrestation était justifiée par la nécessité de protéger l’ordre public. Ensuite, la Cour estime que la durée de la détention provisoire et de la peine prononcée à l’encontre de la requérante constituaient une sanction d’une exceptionnelle sévérité comparée aux condamnations prononcées dans des affaires similaires. De fait, la Cour considère que la longue durée de la détention provisoire et de la peine de prison n’étaient pas proportionnées au but de maintien de l’ordre public et à la prévention des droits d’autrui. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 10 lu à la lumière de l’article 11 de la Convention. (BK)