Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Hof van Beroep te Antwerpen (Belgique), la Cour de justice de l’Union européenne a, notamment, interprété, le 28 juillet dernier, l’article 14 de la directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle, lequel consacre le principe selon lequel les frais de justice raisonnables et proportionnés exposés par la partie ayant obtenu gain de cause sont, en règle générale, supportés par la partie qui succombe (United Video Properties Inc., aff. C-57/15). En l’espèce, un titulaire de brevet a introduit un recours contre une autre société pour atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Après que le tribunal de commerce ait rejeté le recours, le titulaire de brevet a, tout d’abord, formé appel, puis s’est désisté. La société défenderesse a alors demandé le remboursement de ses frais d’avocat, le montant demandé étant supérieur au montant maximal de 11 000 euros par instance qui peut faire l’objet d’un remboursement en vertu de la réglementation belge. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 14 de la directive doit, notamment, être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que la partie qui succombe est condamnée à supporter les frais de justice encourus par la partie ayant obtenu gain de cause et qui comporte un système de tarifs forfaitaires prévoyant un plafond absolu de remboursement en matière de frais pour l’assistance d’un avocat. La Cour estime qu’une réglementation prévoyant des tarifs forfaitaires pour le remboursement des honoraires d’avocat pourrait, en principe, être justifiée à condition qu’elle vise à assurer le caractère raisonnable des frais à rembourser, compte tenu de facteurs tels que l’objet du litige, son montant ou le travail à mettre en œuvre. Tel peut être le cas, notamment, si cette réglementation vise à exclure du remboursement les frais excessifs en raison d’honoraires inhabituellement élevés ou en raison de la prestation, par l’avocat, de services qui ne sont pas considérés nécessaires pour assurer le respect du droit de propriété intellectuelle concerné. En revanche, la Cour considère que l’exigence selon laquelle la partie qui succombe doit supporter les frais de justice raisonnables ne saurait justifier une réglementation imposant des tarifs forfaitaires largement inférieurs aux tarifs moyens effectivement appliqués aux services d’avocat dans cet Etat membre. En effet, une telle réglementation serait inconciliable avec l’article 3 §2 de la directive, qui dispose que les procédures et les réparations prévues doivent être dissuasives. Or, l’effet dissuasif d’une action en contrefaçon serait sérieusement amoindri si le contrevenant ne pouvait être condamné qu’au remboursement d’une petite partie des frais d’avocat raisonnables encourus par le titulaire du droit de propriété intellectuelle lésé. Ainsi, une telle réglementation porterait atteinte à l’objectif principal poursuivi par la directive, consistant à assurer un niveau de protection élevé de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur. Dès lors, une réglementation nationale qui prévoit une limite absolue pour les frais liés à l’assistance d’un avocat doit assurer, d’une part, que cette limite reflète la réalité des tarifs pratiqués en matière de services d’un avocat dans le domaine de la propriété intellectuelle et, d’autre part, que, à tout le moins, une partie significative et appropriée des frais raisonnables effectivement encourus par la partie ayant obtenu gain de cause soit supportée par la partie qui succombe. (SB)