Saisie d’une requête dirigée contre le Portugal, la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 4 avril dernier, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Correia de Matos c. Portugal, requête n°56402/12). Le requérant, ressortissant portugais, est avocat. Dans le cadre d’une procédure, il a critiqué les décisions prises par le juge qui a déposé une plainte contre lui pour outrage à magistrat. Les juridictions nationales ont refusé que le requérant se défende seul et un avocat lui a alors été commis d’office. Devant la Cour, le requérant arguait que les décisions par lesquelles les juridictions nationales lui ont refusé le droit d’assurer sa propre défense, emportaient violation de son droit à un procès équitable. La Cour souligne, tout d’abord, que l’article 6 de la Convention ne donne pas nécessairement le droit à l’accusé de se défendre lui-même et que le choix entre le droit à être représenté par un avocat, librement choisi ou désigné par le tribunal, relève de la législation nationale. Pour effectuer ce choix, les Etats parties jouissent d’une marge d’appréciation qui n’est, cependant, pas illimitée. La Cour relève, ensuite, que le droit portugais est particulièrement restrictif en ce qui concerne la possibilité pour un accusé de se défendre lui-même sans l’assistance d’un avocat. Les décisions des juridictions nationales résultent, dès lors, selon elle, d’une législation complète visant à protéger les accusés en leur garantissant une défense effective dans les affaires où une peine privative de liberté peut leur être infligée. La Cour admet, par conséquent, qu’un Etat partie peut légitimement considérer, d’une part, qu’un accusé est mieux défendu s’il est assisté par un avocat qui a une approche dépassionnée et est préparé sur le plan technique et, d’autre part, qu’un accusé formé à la profession d’avocat peut ne pas être capable de défendre sa cause de manière effective si les accusations le visent personnellement et s’il n’est, de surcroît, pas dûment inscrit au Barreau. La Cour considère, en outre, que l’accusé a le droit d’être présent à tous les stades de la procédure le concernant et peut être la dernière personne à prendre la parole, cela lui permettant de peser sur la façon de conduire sa défense dans la procédure le concernant. Les raisons fournies par les juridictions nationales à l’appui de l’obligation d’être assisté sont, dès lors, pertinentes et suffisantes. La Cour souligne, enfin, que la procédure pénale qui a visé le requérant peut être considérée comme équitable, ce dernier ayant choisi lui-même de ne pas participer aux audiences devant le juge d’instruction et de ne pas demander à désigner un autre avocat pour le représenter. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 6 de la Convention. (MG)