Saisie d’une requête dirigée contre l’Italie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 20 janvier dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Manuello et Nevi c. Italie, requête n°107/10). Dans l’affaire au principal, les requérants, ressortissants italiens, ont sollicité, en tant que grands-parents paternels, la reprise des contacts avec leur petite-fille, qu’ils n’ont plus vue depuis la demande de retrait de l’autorité parentale du père à la suite de soupçons d’attouchements sexuels. Le Tribunal pour enfants a autorisé des visites régulières, mais celles-ci n’ont jamais été organisées par les services sociaux. Le Tribunal a, par la suite, décidé de suspendre les rencontres sur le fondement d’un rapport de la psychologue suivant l’enfant. Malgré l’acquittement du père et une décision de non-lieu s’agissant de la demande de déchéance de l’autorité parentale, l’interdiction de rencontres a été confirmée par la Cour d’appel et la Cour de cassation. Les requérants ont alors saisi la Cour, alléguant une violation de leur droit au respect de la vie familiale en raison de la durée excessive de la procédure aux fins de l’autorisation des rencontres avec l’enfant et du fait que les services sociaux n’ont pas mis en œuvre la décision du Tribunal autorisant celles-ci. La Cour rappelle que des mesures aboutissant à rompre les liens entre un enfant et sa famille ne peuvent être appliquées que dans des circonstances exceptionnelles. Elle relève que la raison principale qui a justifié la rupture presque totale des rapports entre les requérants et l’enfant est le fait que celui-ci associait ses grands-parents à son père et aux prétendus attouchements sexuels subis. La Cour estime, en l’espèce, que les autorités compétentes n’ont pas déployé les efforts nécessaires pour sauvegarder le lien familial et n’ont pas réagi avec la diligence requise. En effet, elle constate que 3 ans se sont écoulés avant que le Tribunal ne se prononce sur la demande des requérants et que la décision leurs accordant le droit de visite n’a jamais été exécutée. Bien qu’il ne lui revient pas de substituer son appréciation à celle des autorités nationales compétentes quant aux mesures qui auraient dû être prises, la Cour considère qu’elle ne peut passer outre le fait que les requérants n’ont pu voir leur petite-fille depuis 12 ans environ et qu’aucune mesure susceptible de permettre le rétablissement du lien familial n’a été prise en l’espèce. Partant, elle conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. (SB)