Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Rīgas apgabaltiesas Krimināllietu tiesu kolēģija (Lettonie), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 12 octobre dernier, la directive 91/250/CEE concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur (Ranks et Vasiļevičs, aff. C-166/15). Dans l’affaire au principal, une autorité de poursuite lettone a engagé des procédures pénales à l’encontre de 2 personnes, notamment pour vente illégale en bande organisée d’objets protégés par le droit d’auteur. Ces derniers avaient, en effet, commercialisé des copies de sauvegarde de programmes d’ordinateur d’occasion enregistrées sur des supports qui n’étaient pas d’origine. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si la directive doit être interprété en ce sens que l’acquéreur de la copie d’un programme d’ordinateur d’occasion, enregistrée sur un support physique qui n’est pas d’origine, peut, en application de la règle de l’épuisement du droit de distribution du titulaire du droit, revendre une telle copie lorsque, d’une part, le support physique d’origine de ce programme, délivré à l’acquéreur initial, a été endommagé et lorsque, d’autre part, cet acquéreur initial a effacé son exemplaire de cette copie ou a cessé de l’utiliser. La Cour estime que le titulaire du droit d’auteur sur un programme d’ordinateur qui a vendu, dans l’Union, la copie de ce programme sur un support physique, tel qu’un CD-ROM ou un DVD-ROM, accompagnée d’une licence d’utilisation illimitée dudit programme, ne peut plus s’opposer aux reventes ultérieures par l’acquéreur initial ou les acquéreurs successifs de cette copie, nonobstant l’existence de dispositions contractuelles interdisant toute cession ultérieure. En effet, dans l’hypothèse, qui est celle de l’espèce, de la revente de la copie d’un programme d’ordinateur d’occasion enregistrée sur un support physique qui n’est pas d’origine, la Cour considère que l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, sous c), de la directive porte sur la copie du programme d’ordinateur elle-même et la licence d’utilisation qui l’accompagne et non pas sur le support physique sur lequel cette copie a, le cas échéant, été pour la première fois mise en vente dans l’Union par le titulaire du droit d’auteur ou avec le consentement de celui-ci. Toutefois, la réalisation d’une copie de sauvegarde d’un programme d’ordinateur constituant une exception au droit exclusif de reproduction du titulaire du droit d’auteur et faisant, dès lors, l’objet d’une interprétation stricte, la Cour souligne qu’une copie de sauvegarde d’un programme d’ordinateur ne peut être réalisée et utilisée que pour répondre aux seuls besoins de la personne en droit d’utiliser ce programme. Partant, cette dernière ne saurait, quand bien même elle aurait endommagé, détruit ou encore égaré le support physique d’origine de ce programme, utiliser cette copie aux fins de la revente dudit programme d’occasion à une tierce personne. (SB)