La tenue de propos discriminatoires doit atteindre un seuil de gravité suffisant et s’analyser dans son contexte pour violer le droit à la vie privée d’un individu ou d’un groupe (3 décembre)
Arrêt Yevstifeyev e.a. c. Russie, requêtes n°226/18, 236/18, 2027/18, et 22327/2
Les requérants ont déposé plainte à l’encontre de plusieurs personnalités publiques à la suite, d’une part, de la publication d’une vidéo parodique mettant en scène la chasse de personnes homosexuelles et, d’autre part, de propos homophobes tenus à leur encontre à l’occasion d’une manifestation. L’ensemble des poursuites engagées ayant été rejetées, ils soulèvent une violation des articles 8 et 14 combinés de la Convention. La Cour EDH rappelle d’abord l’obligation positive de protection de la vie privée des justiciables incombant aux Etats membres et en particulier des minorités constituant une population vulnérable. Cette protection doit cependant être mise en balance avec celle de la liberté d’expression. La Cour EDH précise ensuite que les propos doivent atteindre un seuil de gravité suffisant pour porter atteinte à la vie privée, au regard des caractéristiques du groupe qu’ils visent, de leur contenu et de leur contexte. En considération de ces critères, la Cour EDH estime que si la vidéo parodique constitue une satire politique couverte par la liberté d’expression et n’atteignant pas un seuil de gravité suffisant, l’absence d’une réaction adéquate des autorités face aux propos tenus à l’occasion de la manifestation viole en revanche l’obligation de l’Etat d’assurer un juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression. Partant, la Cour EDH conclut à l’irrecevabilité de la requête dans le 1er cas puis à la violation de la Convention dans le 2nd. (PC)