Droit à la liberté d’expression / Etendue et modalités / Ingérences / Arrêt de la Cour EDH (Leb 1059)

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Lorsqu’elle analyse d’éventuelles ingérences des autorités nationales dans le droit à la liberté d’expression, la Cour EDH examine si la condamnation du requérant pour des propos litigieux publiés par ce dernier répondait à un besoin social impérieux et poursuivait un but légitime d’une part, et d’autre part, concernant des propos tenus par des tiers, si ladite ingérence définit de manière suffisamment nette l’étendue et les modalités d’exercice de la liberté d’expression (7 janvier)


Arrêt Pătrașcu c. Roumanie, requête n°1847/21


Le requérant, un ressortissant roumain, a vu sa responsabilité engagée en raison de propos et commentaires publiés sur sa page Facebook, dont certains par des personnes tierces avec son aval, lesquels visaient tant le physique, l’éducation, le nom, la compétence et la conduite professionnelle de certains artistes nationaux et étrangers. Ce dernier a été poursuivi et condamné au paiement de dédommagements pour le préjudice moral résultant d’une atteinte à l’image, la réputation, la dignité et l’honneur des personnes visées par lesdits commentaires. Invoquant notamment l’article 10 de la Convention, le requérant estime que sa condamnation est contraire au droit à la liberté d’expression. Dans un 1er temps, la Cour EDH estime que les expressions du requérant et des personnes tierces manquaient de décence et constituaient des dérapages de langage eu égard aux références zoologiques qu’elles contenaient et à la divergence entre les formulations employées et le milieu cultivé de l’opéra et de ses amateurs. La Cour considère toutefois que les autorités internes n’ont pas procédé à une véritable mise en balance des intérêts en jeu et n’ont pas démontré que la condamnation du requérant pour les propos qu’il a publié, répondait à un besoin social impérieux et était proportionnée au but légitime poursuivi. Dans un 2ème temps, la Cour EDH considère que, dans leur application des dispositions nationales ayant fondées la condamnation du requérant pour des propos tenus par des tiers sur sa page Facebook, les juridictions nationales se sont reposées sur une création jurisprudentielle n’ayant pas cours au moment des faits. Dans un 3ème temps, elle considère que la disposition nationale établissant l’ingérence litigieuse, ne définissait pas l’étendue et les modalités de l’exercice par le requérant de son droit à la liberté d’expression, à travers l’ouverture de sa page Facebook aux commentaires de tiers, avec une netteté suffisante pour permettre à l’intéressé de jouir du degré de protection qu’exige la prééminence du droit dans une société démocratique. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (BM)

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