MIGRATION ET ASILE

LES PREMIERES MESURES MISES EN PLACE PAR L’UNION EUROPEENNE POUR L’ACCUEIL DES REFUGIES UKRAINIENS

Le 24 février 2022, la Fédération de Russie a lancé une opération militaire en envahissant ainsi le territoire ukrainien. En quelques semaines, près de 3,8 millions de personnes ont fui les zones de conflit armé pour se rendre sur les territoires d’Etats membres de l’Union européenne. 

Les pays frontaliers ont dû s’organiser rapidement pour accueillir une moyenne de 40 000 déplacés par jour, comprenant majoritairement des femmes et des enfants. Actuellement, la Pologne assure l’accueil et l’hébergement de deux millions et demi de personnes, tout comme la Roumanie (630 000), la Hongrie (385 000) et la Slovaquie (298 000). 

Pour répondre à cette situation de crise, le Conseil de l’Union européenne a voté à l’unanimité le recours à la directive 2001/55/CE du 20 juillet 2001 instaurant une protection temporaire immédiate au profit des personnes fuyant l’Ukraine. Cette décision est historique, la directive étant activée pour la première fois depuis sa mise en place à la suite des conflits en ex-Yougoslavie. (I)

L’Union européenne a également rapidement mis en place une aide pour une assistance à la frontière, un accueil et une protection civile pour une coordination opérationnelle entre les Etats membres. (II)

Depuis, la Commission multiplie les communications et les initiatives s’adaptant à l’évolution de la situation et accompagner les Etats membres. La profession d’avocat s’organise également en France et en Europe afin d’apporter un soutien juridique aux réfugiés et soutenir les avocats ukrainiens. (III)

I. L’activation de la directive 2001/55/CE sur la protection temporaire

Adoptée le 20 juillet 2001, la directive 2001/55/CE a pour objectif d’instaurer des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine. Elle prévoit également des mesures visant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres afin d’accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil. Malgré de précédentes demandes au bénéfice notamment des réfugiés d’Afghanistan et de Syrie, cette directive n’a jamais été activée depuis vingt ans. 

La première activation de la directive. Le Conseil a observé une forte pression migratoire exercée sur ses frontières orientales au fur et à mesure de l’évolution du conflit qui caractérise un afflux massif de personnes qui ne sont pas en mesure de retourner dans leur pays d’origine. Il a ainsi adopté la décision d’exécution du 4 mars 2022 qui prévoit qu’une protection exceptionnelle est immédiatement applicable aux personnes qui ont fui l’Ukraine à compter du 24 février 2022. A ce jour, 800 000 personnes ont demandé cette protection, leur évitant d’être soumis aux règles migratoires du règlement de Dublin.  

Un dispositif temporaire. Les Etats membres ont validé une protection temporaire d’un an, renouvelable pour une durée de deux ans au total. La Commission suggérait trois ans. À tout moment, cette dernière pourra proposer au Conseil de mettre fin à cette protection en se fondant sur la constatation que la situation en Ukraine permet un retour sûr et durable des personnes, ou de proroger celle-ci pour une durée d’un an, si la période initiale est jugée insuffisante. 

Les bénéficiaires. Conformément à la directive et à la décision d’exécution, la protection est accordée aux ressortissants ukrainiens qui résidaient en Ukraine avant le 24 février 2022, ainsi qu’aux membres de leur famille(conjoint marié ou partenaire non marié engagé dans une relation stable, enfants mineurs célibataires ou autres parents proches qui vivaient dans la cellule familiale au 24 février 2022 et qui avaient la charge de l’un des bénéficiaires).

L’exclusion des ressortissants d’Etats tiers en séjour régulier. Afin d’obtenir une adoption à l’unanimité de la décision d’exécution, le texte prévoit un compromis pour les ressortissants d’Etats tiers et les membres de leur famille. 

  • Seules les personnes bénéficiant d’une protection internationale ou équivalente en Ukraine avant le 24 février 2022, ainsi que les bénéficiaires d’un droit de séjour permanent en Ukraine et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables, peuvent obtenir automatiquement cette protection. 
  • Pour les autres ressortissants en séjour régulier et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leurs régions d’origine, les Etats membres peuvent choisir entre l’application de la protection temporaire ou l’application de leur régime commun d’asile. 
  • En outre, peuvent faire l’objet d’une exclusions les personnes ayant commis des crimes graves ou s’ils représentent une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat.

Des lignes directrices opérationnelles, publiées par la Commission le 18 mars 2022, sont venues préciser que l’application du système d’asile alternatif doit respecter la Charte des droits fondamentaux de l’Union et l’esprit de la directive. Par ailleurs, la Commission incite les Etats membres à élargir le bénéfice de la protection aux ressortissants d’Etat tiers qui étaient en séjour régulier de façon non-permanente en Ukraine ainsi qu’aux ressortissants ayant quitté le territoire peu avant le 24 février 2022.

Les droitsLa directive permet d’accorder aux réfugiés un permis de résidence (article 8), l’accès au marché du travail salarié ou non salarié (article 12), l’accès au logement et aux aides sociales et médicales (article 13), l’accès à l’enseignement (article 14) ainsi que le droit de demander l’asile à moins que l’Etat membre prévoit que le bénéfice de la protection temporaire ne puisse être cumulé avec le statut de demandeur d’asile (article 19).

Focus sur le système mis en place en France 

* Les sources – Les dispositions de la directive sont intégrées aux articles L. 581-1 à L. 581-10 et R. 581-1 à R. 581-19 du Ceseda S’agissant du conflit ukrainien, le gouvernement a publié une circulaire interministérielle le 10 mars 2022. Elle a été complétée par une instruction du 23 mars 2022, concernant l’accès à l’hébergement et au logement des personnes déplacées d’Ukraine et bénéficiaires de la protection temporaire.
* Les bénéficiaires de la protection – La circulaire prévoit une protection immédiate aux ressortissants indiqué ci-dessus. Les personnes qui ont quitté l’Ukraine avant le 24 février 2022 sont donc exclues du bénéfice de la protection. 
* Les droits – En France, les réfugiés peuvent demander une autorisation provisoire de séjour d’une durée de validité de six mois renouvelables, une autorisation de travail, la Protection Universelle Maladie et l’Allocation pour Demandeur d’Asile (ADA). Les personnes de nationalité ukrainienne qui ont déposé une demande d’asile en France avant le 24 février 2022 voient toutefois leurs demandes automatiquement bloquées.  

II. La coordination de la réaction opérationnelle entre les Etats membres

Depuis quatre semaines, l’Union européenne actionne des dispositifs pour assister les Etats membres à répondre aux besoins des personnes fuyant le conflit. 

1. La gestion des arrivées aux frontières


L’activation de la directive 2001/55/CE et les lignes directrices de la Commission ont permis aux Etats membres de demander un soutien opérationnel supplémentaire aux agences de l’Union européenne tels que Frontex, Europol et l’Agence de l’Union européenne pour l’Asile. 

Parallèlement le 2 mars dernier, la Commission a présenté des lignes directrices opérationnelles destinées aux gardes-frontières qui précisent les mesures de facilitation des contrôles aux frontières avec une simplification des contrôles, une flexibilité des conditions d’entrée et une facilité d’accès pour les services d’aide humanitaire. 

2. Une coordination opérationnelle – Un plan d’action en dix points. 

Le 28 mars, s’est tenu une réunion extraordinaire du Conseil « Justice et affaires intérieures » pour un renforcement de la solidarité européenne. Les ministres de l’intérieur ont adopté le plan d’action proposé par la Commission afin de répondre aux difficultés qui surviennent, notamment : 

  • L’absence de relocalisation des réfugiés – Les Etats de l’Union à la frontière de l’Ukraine souhaitent uniquement une assistance logistique et financière. A cet égard, le plan prévoit la création d’une plateforme commune pour l’enregistrement des demandes de protection temporaire et les statuts de protection nationale, une cartographie des capacités d’accueil avec un index sur la situation de chaque Etat membre pour organiser des transferts depuis les Etats membres où la pression est la plus forte qui sera piloté par l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, ainsi que la mise en place d’une approche coordonnée pour les pôles de transport et d’information. 
  • La protection des mineurs – Environ 50% des réfugiés sont des enfants, dont un tiers sont des mineurs non accompagnés. La Commission élabore actuellement des orientations uniformes pour l’accueil et l’assistance des enfants ainsi que des procédures spécifiques pour le transfert de mineurs non accompagnés.
  • La lutte contre les trafics d’êtres humains – Une augmentation inquiétante des disparitions d’enfants et des trafics de femmes s’observe aux frontières. La Commission prévoit un plan d’action avec Europol afin de prévenir la traite et l’exploitation. Le réseau de la plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT) et Europol aideront les Etats membres à assurer une vigilance à l’égard de la criminalité organisée et des groupes de trafiquants. 
  • Le soutien à la Moldavie – L’Union prévoit un renforcement de la solidarité avec la Moldavie, pays tiers, qui subit également une forte pression migratoire par un déploiement des agents de Frontex et l’organisation de transferts des réfugiés. Certains Etats membres ont proposé une assistance pour une relocalisation de ces réfugiés sur leurs territoires tels que l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Irlande, la Suisse et l’Autriche.

III. Les initiatives des avocats

La profession d’avocat se mobilise également en France et en Europe afin porter assistance aux confrères et réfugiés ukrainiens.

1. Les initiatives du Conseil des Barreaux Européens (« CCBE »)

L’organisation a publié une déclaration dénonçant le crime d’agression et appelant les avocats européens à fournir une assistance juridique aux réfugiés ukrainiens. 

En outre, le CCBE a créé un site spécifique qui regroupe les informations des différents barreaux européens ainsi qu’une liste de points de contacts que les réfugiés peuvent contacter pour obtenir un accompagnement juridique. 

A l’instar de nombreux barreaux, le CCBE maintien également un contact avec l’Ukrainian National Bar Association (« UNBA ») afin de s’enquérir de la situation et apporter un soutien selon les besoins.  

Enfin, les divers comités du CCBE travaillent actuellement sur la mise en œuvre de la directive par les Etats membres et les difficultés observées par les différentes délégations sur le terrain. Des réflexions sont menées pour apporter un soutien à la Cour pénale internationale et la diffusion d’informations pour les avocats qui souhaitent exercer dans un pays d’accueil. 

2. L’organisation du Barreau français


Quatre actions principales ont été mises en place par les instances représentatives de la profession et les différents Barreaux : 

  • Des déclarations/motions de soutien – Le Conseil National des Barreaux (CNB), le Barreau de Paris et la Conférence des Bâtonniers ont publié une déclaration commune dénonçant le crime d’agression ; 
  • L’organisation de fonds d’urgence pour les confrères – Le CNB et le Barreau de Paris ont chacune organisé une campagne de collecte de fonds pour apporter un soutien matériel aux barreaux et aux avocats. Plusieurs Barreaux à travers la France ont également organisé des collectes de fonds et de produits de première nécessité en lien avec des associations.
  • Assistance juridique – La plupart des Barreaux en France et les instances de la profession organisent des permanences juridiques gratuites. 
  • Relation avec l’Ukrainian National Bar Association– Les instances ont rencontré le V-président, M. Valentyn Gvozdiy, afin d’apporter leur soutien et connaître les besoins des avocats ukrainiens.
Vous êtes avocat ou réfugié et vous souhaitez obtenir des informations pratiques sur les dispositifs mis en place dans chaque Etat membre ? 
 
Vous pouvez consulter : 
* Le Portail dédié de la Commission européenne mettant à disposition les informations destinées aux personnes fuyant la guerre en Ukraine, 
* Sur les chiffres actualisés de l’UNHCR, Portail operational data portal, Ukraine Refugee situation 
* Le site de l’Agence européenne pour l’asile sur les réformes mises en place dans chaque Etat membre 
* Le site dédié à la situation en Ukraine du CCBE mettant à disposition une liste des points de contacts avocats 

Références : 

> Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
 
> Proposition de décision d’exécution du Conseil par la Commission européenne sur l’activation de la directive 2001/55/CE, 2 mars 2022 (COM (2022) 91 final)
 
> Décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire
 
> Communication de la Commission européenne fournissant des lignes directrices opérationnelles pour la gestion des frontières extérieures afin de faciliter le franchissement des frontières entre l’Union européenne et l’Ukraine, 4 mars 2022 (2002/C 104 I/01)
 
> Communication de la Commission européenne relative aux lignes directrices opérationnelles pour la mise en œuvre de la décision d’exécution (UE) 2022/383 du Conseil constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, 21 mars 2022 (2002/C 126 I/01)
 
> Communication de la Commission sur accueillir les personnes fuyant la guerre en Ukraine : Préparer l’Europe à répondre aux besoins, 23 mars 2022 (COM (2022) 131 final)
 
> Plan en 10 points pour une coordination européenne plus étroite en matière d’accueil des personnes fuyant la guerre en Ukraine, adopté le 28 mars par le Conseil de l’Union européenne
 
> Circulaire interministérielle, Instruction relative à la mise en œuvre de la décision du Conseil de l’Union européennedu 10 mars 2022
 
> Communiqué de la profession sur la situation en Ukraine, Conseil National des Barreaux, 3 mars 2022

Le pacte européen sur la migration et l’asile et les préoccupations relatives aux droits fondamentaux (13 septembre 2021) : suivre le lien >

L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (« Frontex ») et le respect des droits fondamentaux (17 février 2021) : suivre le lien >

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