Saisie d’une requête dirigée contre la Lituanie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 28 février dernier, les articles 8 et 9 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit au respect de la vie privée et familiale et au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (Mockutė c. Lituanie, requête n°66490/09 – disponible uniquement en anglais). La requérante, ressortissante lituanienne, est membre de plusieurs sectes et a été diagnostiquée comme souffrant de paranoïa aigue. Après avoir été admise dans un centre de méditation, elle a été forcée à rejoindre un hôpital psychiatrique. Peu de temps après, une émission a été diffusée à la télévision nationale sur son histoire. Devant la Cour, la requérante se plaignait de la violation de son droit au respect de la vie privée, le médecin de l’hôpital psychiatrique ayant divulgué des informations sur sa santé et sa vie privée aux journalistes et à sa mère, et de la violation de son droit à la liberté de religion en raison de l’environnement restrictif de l’hôpital psychiatrique et du comportement des médecins la persuadant d’avoir une attitude critique à l’égard de la religion. Concernant la violation alléguée du droit de la requérante au respect de la vie privée, la Cour considère, tout d’abord, que la divulgation par le médecin psychiatre d’informations sensibles sur la requérante, aux journalistes et à sa mère, constitue une atteinte au droit à sa vie privée. La Cour souligne, ensuite, que la requérante n’avait pas consenti à la divulgation de ces informations et que celle-ci n’était justifiée par aucune raison juridique. La Cour relève, enfin, que les tribunaux nationaux se sont focalisés sur l’examen de la proportionnalité de l’ingérence, sans pour autant identifier la base juridique pour cette dernière. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. Concernant la violation alléguée du droit de la requérante à la pratique d’une religion, la Cour relève, tout d’abord, que celle-ci a été empêchée d’exercer sa religion en raison du régime restrictif qui régnait à l’hôpital psychiatrique et de l’attitude des médecins à l’égard de ses croyances. La requérante se trouvait contrainte d’obéir aux pressions des médecins, sous peine de recevoir un diagnostic l’empêchant de retrouver un travail par la suite. Si la Cour reconnaît, ensuite, que les besoins des traitements psychiatriques peuvent nécessiter des discussions sur la religion, elle précise qu’il ne ressort pas de la législation nationale que les médecins peuvent empêcher les patients d’avoir des croyances lorsqu’il n’y a pas de risque clair et imminent que celles-ci se manifestent par des actions dangereuses pour ces derniers. La Cour souligne, enfin, que les Etats ont une marge d’appréciation limitée concernant les atteintes à la liberté de religion et qu’ils ne peuvent prendre des mesures incitant les personnes à changer de croyances. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 9 de la Convention. (MG)