Saisie d’un renvoi préjudiciel par l’Amtsgericht Laufen (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 19 septembre dernier, la directive 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « Retour » (Filev et Osmani, aff. C-297/12). Les requérants au principal avaient fait l’objet, dans les années 1990, de mesures d’éloignement dont les effets n’étaient pas limités dans le temps, la loi allemande prévoyant que la mesure d’interdiction du territoire ne peut faire l’objet d’une limitation dans le temps qu’à la demande de la personne intéressée. De nouveau entrés sur le territoire allemand, les requérants ont fait l’objet de poursuites pénales. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur la question de savoir si la condition de demande préalable de la part de la personne intéressée est conforme à la directive et si l’infraction à une interdiction d’entrée, prononcée avant l’entrée en vigueur de la directive, peut donner lieu à une sanction pénale plus de 5 ans après la décision d’interdiction. La Cour constate, tout d’abord, qu’il découle des dispositions de la directive qu’une interdiction d’entrée sur le territoire national ne peut dépasser 5 ans et en conclut que le fait de subordonner cette limitation à l’introduction d’une demande expresse par l’intéressé s’oppose aux dispositions de la directive. S’agissant de la légalité des conséquences pénales de l’infraction à une interdiction d’entrée prononcée antérieurement à l’entrée en vigueur de la directive, la Cour rappelle qu’une règle nouvelle s’applique immédiatement, sauf dérogations, aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. Elle précise, ensuite, que l’absence de prise en compte de la période pendant laquelle les intéressés ont fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire, antérieurement à l’entrée en vigueur de la directive, serait contraire aux objectifs de celle-ci et conclut que la directive s’oppose à une sanction pénale en cas d’infraction à une interdiction d’entrée prononcée plus de 5 ans avant la date de la nouvelle entrée, à moins que le ressortissant ne constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. Enfin, la Cour affirme qu’une mesure d’expulsion antérieure de plus de 5 ans ne peut servir de fondement à des poursuites pénales lorsque cette mesure était fondée sur une sanction pénale au sens de la clause de restriction de champ d’application personnel de la directive et que l’Etat membre a fait usage de la faculté prévue à cette clause. (JL)