Saisie de 2 requêtes dirigées contre la Turquie, la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 8 juillet dernier, l’article 5 §3 et §4 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatifs, respectivement, au droit à la liberté et à la sûreté et au droit de faire statuer à bref délai sur la légalité de sa détention (Nedim Şener c. Turquie, requête n°38270/11 et Şik c. Turquie, requête n°53413/11). Les requérants, 2 ressortissants turcs, se plaignaient, d’une part, du fait que la détention provisoire dont ils ont fait l’objet n’était pas fondée sur des éléments de preuve concrets et, d’autre part, de leur impossibilité de contester efficacement sa régularité. Concernant le premier aspect de ces requêtes, la Cour rappelle, tout d’abord, que le caractère raisonnable de la poursuite de la détention provisoire ne se justifie que lorsqu’une véritable exigence d’intérêt public prévaut sur le droit à la liberté et à la sûreté. Elle estime que l’existence et la persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne d’avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention mais que des motifs pertinents et suffisants doivent, ensuite, s’y greffer. La Cour constate, en l’espèce, que l’accusation qui a essentiellement constitué la base juridique sur laquelle les requérants ont été maintenus en détention provisoire ne figure pas parmi celles pour lesquelles la détention provisoire est réputée justifiée par le droit interne. Elle constate, en outre, l’absence de motivation du refus de libération opposé aux requérants au cours de la première année de l’instruction, qui ne procure aucun élément spécifique démontrant la nécessité du maintien de la détention provisoire et ne peut être compensée par une énumération stéréotypée de motifs généraux. La Cour relève, enfin, que le reproche ayant fondé les accusations pénales entrainant le maintien en détention ne constitue pas un acte réprimé par le droit interne et que les délits, plus adaptés, de diffamation ou de pression sur la justice ne nécessitent pas une détention provisoire d’une telle ampleur. La Cour considère donc que les autorités ont maintenu les requérants en détention provisoire pour des motifs qui ne sont ni pertinents ni suffisants pour justifier une telle durée de détention. Partant, elle conclut à la violation de l’article 5 §3 de la Convention. Concernant le second aspect des requêtes, la Cour rappelle que l’article 5 §4 de la Convention confère à toute personne privée de sa liberté le droit d’introduire un recours. Elle souligne qu’une telle procédure doit revêtir un caractère judiciaire et offrir des garanties adaptées à la nature de la privation de liberté en question. En particulier, elle estime que l’égalité des armes n’est pas assurée si l’avocat se voit refuser l’accès aux pièces du dossier ayant une importance essentielle pour une contestation efficace de la légalité de la détention de son client, comme c’est le cas en l’espèce. La Cour considère, en outre, que la nécessité de préserver la confidentialité des éléments de preuve ne peut s’appliquer en l’espèce. La Cour conclut, dès lors, à la violation de l’article 5 §4 de la Convention. (FS)