La Cour rappelle qu’une immunité de juridiction ne saurait violer le droit d’accès à un tribunal dans la mesure où elle n’est pas disproportionnée par rapport au but légitime poursuivi et qu’en l’espèce aucun élément manifestement déraisonnable ou arbitraire n’a été retenu dans l’analyse des juridictions françaises (5 octobre)
Arrêt Sassi et Benchellali c. France, requêtes n°35884/21 et 35886/21
Les requérants sont des ressortissants français qui ont été détenus dans le centre pénitentiaire américain de Guantanamo entre 2002 et 2004. Ces derniers affirment avoir été victimes d’actes de torture et ont, à ce titre, introduit une plainte avec constitution de partie civile à l’encontre notamment, du Président Georges W. Bush, de membres du gouvernement américain, de fonctionnaires ou de membres de l’armée américaine ayant occupé à l’époque des faits des fonctions de direction à l’égard du camp de détention. Une ordonnance de non-lieu a été prononcée par le juge d’instruction et confirmée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel, au motif que l’immunité de juridiction des États étrangers s’opposait à de telles poursuites devant les juridictions pénales françaises. Les requérants estiment quant à eux qu’une telle immunité constituait une limitation au droit d’accès à un Tribunal, en violation de l’article 6§1 de la Convention. Afin de déterminer si l’application du principe de l’immunité affecte l’exercice de ce droit, la Cour analyse si une telle limitation poursuivait un but légitime et si elle était proportionnée par rapport à ce but. Dans un 1er temps, la Cour rappelle qu’une telle immunité de juridiction des Etats étrangers a pour objectif de garantir et de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre les Etats ainsi que le respect de la souveraineté des autres Etats. Dans 2nd temps, elle considère qu’il n’existe pas en l’état, dans de le droit international, d’éléments solides lui permettant de conclure qu’un État ne jouit plus de l’immunité devant les cours et tribunaux d’un autre État devant lesquels sont formulées des allégations de torture, d’autant qu’en l’espèce, les requérants n’ont pas non plus apporté d’éléments permettant de conclure que l’état du droit international aurait évolué sur cette question. Partant, la Cour ne voit aucune raison de s’écarter du raisonnement des juridictions françaises et conclu, comme ces dernières, à l’irrecevabilité des requêtes. (BM)