Saisie de 2 renvois préjudiciels par la Cour du travail de Mons (Belgique), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 14 septembre dernier, l’article 19 du règlement 44/2001/CE, dit « Bruxelles I », concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (Nogueira e.a c. Ryanair, aff. jointes C-168/16 et C-169/16). Dans les affaires au principal, les requérants ont conclu un contrat de travail, dans un 1er cas, avec Ryanair, compagnie aérienne ayant son siège social en Irlande et, dans un 2nd cas, avec Crewlink, personne morale établie en Irlande, qui détachait ses employés en tant que personnel de cabine auprès de Ryanair. Ceux-ci étaient liés par un contrat de travail soumis au droit irlandais en vertu d’une clause selon laquelle les juridictions irlandaises étaient compétentes pour connaître de tous les litiges se rapportant à l’exécution ou à la dénonciation de ces contrats. En revanche, leur base d’affectation se situait à l’aéroport de Charleroi. Les relations de travail des requérants ont pris fin à la suite de leur démission ou de leur licenciement et ceux-ci ont souhaité faire respecter les dispositions de leurs contrats de travail respectifs devant les juridictions belges, dont la compétence a été contestée par leur ancien employeur. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si la notion de « lieu habituel d’exécution du contrat de travail » telle que visée à l’article 19, point 2, du règlement devait être interprétée comme assimilable à la notion de « base d’affectation ». La Cour rappelle, tout d’abord, que le règlement devait être interprété de manière autonome et, dans le cadre de litiges relatifs aux contrats de travail, dans l’objectif de protéger la partie contractante la plus faible au moyen de règles de compétence qui lui sont plus favorables. Dans ce contexte, une clause attributive de juridiction, telle que celle convenue dans les contrats en cause, ne répond à aucune exigence fixée par l’article 21 du règlement et n’est pas opposable aux requérants. Ensuite, la Cour estime que la notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail » doit être interprétée comme visant le lieu où le travailleur s’acquitte de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur. En l’espèce, le juge national doit, selon la Cour, déterminer ce lieu en se référant à un faisceau d’indices tenant compte de l’ensemble des éléments qui caractérisent l’activité du travailleur, tels que le lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport, celui où il rentre après ses missions, reçoit les instructions sur ses missions et organise son travail, ainsi que le lieu où se trouvent les outils de travail. Enfin, la Cour juge que cette notion ne saurait être assimilée à une quelconque notion figurant dans un autre acte du droit de l’Union tel que la notion de « base d’affectation ». Cette notion constitue, néanmoins, un élément susceptible de jouer un rôle significatif dans l’identification des indices permettant de déterminer le lieu de compétence des juridictions pour connaître des recours. (JJ)