Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Supreme Court (Irlande), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 27 octobre dernier, l’article 15 du règlement 2201/2003/CE relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, lequel prévoit des règles de renvoi à une juridiction mieux placée pour connaître de l’affaire (D., aff. C-428/15). En l’espèce, l’Agence irlandaise pour l’enfance a demandé à une juridiction irlandaise d’ordonner que l’enfant d’une ressortissante britannique établie en Irlande fasse l’objet d’une mesure de placement. Après une décision de placement provisoire dans une famille d’accueil, l’Agence a demandé que l’affaire au fond soit renvoyée devant une juridiction britannique en application de l’article 15 du règlement. Saisie d’un pourvoi par la mère de l’enfant contre l’arrêt autorisant l’Agence à demander à la juridiction britannique d’exercer sa compétence, la juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour sur la manière d’interpréter et d’articuler les notions de « juridiction mieux placée » et d’« intérêt supérieur de l’enfant » visées par l’article 15 §1 du règlement. La Cour rappelle qu’aux fins d’assurer la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant lors de la mise en œuvre des règles de compétence instituées par le règlement, le législateur de l’Union a eu recours au critère de proximité. Cependant, l’article 15 §1 du règlement permet le renvoi d’une affaire donnée à une juridiction d’un Etat membre autre que celui dont relève la juridiction normalement compétente, étant entendu qu’un tel renvoi doit répondre à des conditions spécifiques et qu’il ne peut intervenir qu’à titre exceptionnel. Ainsi, la Cour estime que le renvoi d’une affaire en matière de responsabilité parentale ne doit être effectué qu’au profit d’une juridiction d’un autre Etat membre avec lequel l’enfant concerné a un lien particulier. Lors de l’application de l’article 15 §1 du règlement, la juridiction compétente doit comparer l’importance et l’intensité du lien de proximité général qui l’unit à l’enfant concerné, en vertu de l’article 8 §1 de ce règlement, avec celles propres au lien de proximité particulier attesté par un ou plusieurs éléments énoncés à l’article 15 §3 du règlement et existant, au cas d’espèce, entre cet enfant et certains autres Etats membres. Toutefois, l’existence d’un lien particulier ne préjuge pas nécessairement de la question de savoir si une juridiction d’un autre Etat membre est mieux placée pour connaître de l’affaire que la juridiction compétente, non plus que du point de savoir, dans l’affirmative, si le renvoi de l’affaire à cette dernière juridiction sert l’intérêt supérieur de l’enfant. Dès lors, il appartient à la juridiction compétente de déterminer s’il existe, au sein de l’autre Etat membre avec lequel l’enfant possède un lien particulier, une juridiction mieux placée pour connaître de l’affaire. A cet effet, elle doit déterminer si le renvoi de l’affaire est de nature à apporter une valeur ajoutée réelle et concrète, pour l’adoption d’une décision relative à l’enfant, par rapport à l’hypothèse de son maintien devant elle. Dans ce cadre, elle peut tenir compte des règles de procédure de l’autre Etat membre, mais elle ne devrait pas prendre en considération son droit matériel. Par ailleurs, la juridiction compétente doit évaluer l’éventuelle incidence négative qu’un tel renvoi pourrait avoir sur les rapports affectifs, familiaux et sociaux de l’enfant concerné par l’affaire ou sur la situation matérielle de celui-ci. (SB)