Saisie d’une requête dirigée contre la Croatie, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 20 octobre dernier, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants (Muršić c. Croatie, requête n°7334/13). Le requérant, ressortissant croate, a été condamné à une peine d’emprisonnement pour des faits de vol. Il alléguait avoir été détenu dans des cellules surpeuplées et avoir disposé, pendant 50 jours au total, dont 27 jours consécutifs, de 3 m² d’espace personnel. Il affirmait que les cellules dans lesquelles il a été détenu étaient mal entretenues, humides et sales, qu’il n’avait pas eu la possibilité de travailler en prison et n’avait pas disposé d’un accès suffisant à des activités récréatives et éducatives. Ses demandes de transfert pour raisons personnelles et familiales ainsi que ses recours mettant en cause ses conditions de détention ont tous été rejetés. Le requérant alléguait que ces conditions de détention avaient constitué une violation de l’article 3 de la Convention. La Cour rappelle que 3 m² de surface au sol par détenu en cellule collective est la norme minimale au regard de l’article 3 de la Convention. Elle précise que, lorsque la surface au sol est inférieure à 3 m², le manque d’espace personnel est considéré comme à ce point grave qu’il donne lieu à une forte présomption de violation de l’article 3 de la Convention, laquelle ne peut être réfutée que par la présence d’éléments propres à compenser adéquatement cette circonstance, tels que le caractère court et occasionnel des réductions de l’espace, une liberté de circulation suffisante hors de la cellule et des activités hors cellule adéquates, ainsi que des conditions de détention décentes. La Cour relève que pendant les 27 jours consécutifs durant lesquels le requérant a disposé de moins de 3 m² d’espace personnel, il a été soumis à des conditions de détention qui lui ont fait subir une épreuve d’une intensité excédant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et, dès lors, constitutive d’un traitement dégradant prohibé par l’article 3 de la Convention. En revanche, elle souligne que les autres périodes pendant lesquelles il a disposé de moins de 3 m² d’espace personnel peuvent être considérées comme des réductions courtes et mineures de l’espace personnel pendant lesquelles le requérant a disposé d’une liberté de circulation et d’activités hors cellule suffisantes dans un établissement offrant de manière générale des conditions décentes. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 3 de la Convention. (MT)