Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Curtea Constituţională (Roumanie), la Grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a interprété la notion de « conjoint » au sens de l’article 2 de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres (Coman et autres, aff. C-673/16). Dans l’affaire au principal, 2 personnes de même sexe, un américain et un binational américain et roumain, se sont mariés en Belgique, conformément au droit belge. Le ressortissant américain a introduit une demande de séjour de plus de 3 mois auprès des autorités roumaines. La demande a été rejetée par lesdites autorités au motif que, s’agissant de personnes du même sexe, le mariage n’était pas reconnu en Roumanie. Elles affirmaient que la demande ne pouvait pas non plus être accueillie au titre du regroupement familial. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si la notion de « conjoint » s’applique à un ressortissant d’un Etat tiers, de même sexe que le citoyen de l’Union avec lequel il est légalement marié, conformément à la loi d’un Etat membre autre que l’Etat d’accueil. Tout d’abord, la Cour relève, à titre liminaire, que l’article 21 §1 TUE est pertinent pour répondre à la question de droit posée, en ce qu’il prévoit le droit du citoyen de l’Union d’exercer sa liberté de circuler et de séjourner dans un Etat membre autre que son Etat membre d’origine. Le citoyen peut se prévaloir des droits afférents à cette qualité, y compris, le cas échéant, à l’égard de son Etat membre d’origine. Les droits reconnus aux citoyens des Etats membres par cette disposition incluent celui de mener une vie familiale normale, tant dans l’Etat membre d’accueil que dans celui d’origine, en y bénéficiant de la présence des membres de leur famille. Ensuite, la Cour affirme que la notion de « conjoint », désignant une personne unie à une autre par les liens du mariage et neutre du point de vue du genre, ne renvoie pas aux conditions prévues par la législation de l’Etat membre d’accueil, contrairement à la notion de « membre de la famille ». Elle relève que si l’état des personnes et les règles relatives au mariage sont des matières relevant de la compétence des Etats membres et que le droit de l’Union ne porte pas atteinte à cette compétence, il est, toutefois, de jurisprudence constante que les Etats membres, dans l’exercice de cette compétence, respectent le droit de l’Union et, notamment, les droits de ses citoyens. La Cour en déduit que le fait de laisser la possibilité aux Etats membres de refuser ou d’accorder l’entrée et le séjour sur leur territoire à un ressortissant d’un Etat tiers, dont le mariage avec un citoyen de l’Union de même sexe a été conclu dans un Etat membre conformément au droit de celui-ci, selon que les dispositions du droit national prévoient ou non le mariage entre personnes du même sexe, entraverait la liberté de circulation des citoyens de l’Union. La Cour affirme que si les Etats membres n’ont pas l’obligation de prévoir dans leurs législations nationales la possibilité de conclure des mariages entre personnes du même sexe, ils ont, néanmoins, obligation de reconnaître les mariages conclus conformément à la législation d’un autre Etat membre. Enfin, elle affirme qu’un Etat membre a obligation d’accorder un titre de séjour de plus de 3 mois au ressortissant d’un Etat tiers marié, conformément à la législation d’un autre Etat membre, à l’un de ses ressortissants. (CH)