Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Landgericht Düsseldorf (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 16 juillet dernier, l’article 102 TFUE prohibant les abus de position dominante sur le marché intérieur (Huawei Technologies, aff. C-170/13). Dans l’affaire au principal, la société requérante, une société de dimension mondiale, est titulaire d’un brevet européen qu’elle a notifié à l’organisme européen de normalisation dans le secteur des télécommunications en tant que brevet essentiel à une norme (« BEN »). A cette occasion, elle s’est engagée à accorder aux tiers des licences à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (« FRAND »). Après que la négociation pour la conclusion d’un contrat de licence ait échoué avec une société d’un groupe international, qui commercialise des produits fonctionnant sur la base de la norme en cause et exploite ainsi le BEN sans, toutefois, verser de redevance à la requérante, cette dernière a introduit devant la juridiction de renvoi une action en contrefaçon. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si doit être qualifiée d’abus de position dominante, au sens de l’article 102 TFUE, et, partant, rejetée, l’action en contrefaçon tendant, en particulier, à la cessation de la contrefaçon et au rappel des produits en cause, introduite par le titulaire d’un BEN contre le contrefacteur allégué de ce brevet, qui a demandé la conclusion d’un contrat de licence. La Cour estime que, si l’engagement irrévocable de délivrer des licences à des conditions FRAND, souscrit auprès de l’organisme de normalisation par le titulaire du BEN, ne saurait vider de leur substance les droits garantis à ce titulaire pour assurer sa protection juridictionnelle effective, il justifie, néanmoins, que lui soit imposé le respect d’exigences spécifiques à l’occasion de l’introduction, contre des contrefacteurs allégués, d’actions en cessation ou en rappel de produits. Ainsi, le titulaire d’un BEN qui estime que celui-ci fait l’objet d’une contrefaçon ne saurait, sauf à violer l’article 102 TFUE, introduire, sans préavis ni consultation préalable du contrefacteur allégué, de telles actions contre ce dernier, quand bien même ledit BEN a déjà été exploité par le contrefacteur allégué. Préalablement à de telles actions, il appartient, par conséquent, au titulaire du BEN considéré, d’une part, d’avertir le contrefacteur allégué de la contrefaçon qui lui est reprochée en désignant ce BEN et en précisant la façon dont celui-ci a été contrefait. D’autre part, après que le contrefacteur allégué a exprimé sa volonté de conclure un contrat de licence aux conditions FRAND, il revient au titulaire de lui transmettre une offre de licence concrète et écrite à des conditions FRAND, en précisant, notamment, la redevance et ses modalités de calcul. A cet égard, pour autant qu’il n’accepte pas l’offre qui lui a été faite, le contrefacteur allégué ne peut invoquer le caractère abusif d’une action en cessation ou en rappel de produits que s’il soumet au titulaire du BEN une contre-offre concrète. (SB)