Saisie d’une requête dirigée contre le Portugal, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 1er décembre dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Brito Ferrinho Bexiga Villa-Nova c. Portugal, requête n°69436/10). La requérante, avocate portugaise, a refusé de communiquer à l’administration fiscale ses relevés de comptes bancaires, dans le cadre d’un contrôle fiscal. Celle-ci a été mise en examen et le juge d’instruction saisi a demandé à la cour d’appel la levée des secrets professionnel et bancaire. La requérante a alors introduit un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel ordonnant la levée des secrets, lequel a été déclaré irrecevable. Invoquant, notamment, l’article 8 de la Convention, la requérante se plaignait de la violation du secret professionnel auquel elle est tenue en raison de sa profession, du fait de la consultation des extraits de ses comptes bancaires. La Cour constate, tout d’abord, que la consultation des extraits de comptes constitue une ingérence dans le droit de la requérante au respect du secret professionnel, lequel fait partie du domaine de la vie privée. Elle relève, ensuite, que l’incident de procédure visant la levée du secret professionnel a été soulevé par le ministère public à la suite du refus de la requérante de produire les extraits de ses comptes bancaires. Elle constate que cette procédure s’est déroulée, certes devant un organe judiciaire, mais sans que la requérante n’y participe. En effet, elle n’a pris connaissance de la levée du secret professionnel et du secret bancaire qu’au moment où elle a reçu notification de l’arrêt de la cour d’appel. Par ailleurs, la Cour observe que le Statut de l’Ordre des avocats portugais prévoyait la consultation de l’Ordre des avocats dans le cadre de la procédure visant la levée du secret professionnel. Or, en l’espèce, force est de constater que ce dernier n’a pas été sollicité. En ce qui concerne le « contrôle efficace » pour contester la mesure litigieuse, la Cour note que le pourvoi que la requérante a formé pour contester la décision de la cour d’appel n’a pas fait l’objet d’un examen au fond. Ainsi, eu égard à l’absence de garanties procédurales et d’un contrôle juridictionnel effectif de la mesure litigieuse, la Cour estime que les autorités portugaises n’ont pas ménagé un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et les exigences de protection du droit de la requérante au respect de sa vie privée. Partant, elle conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. (MF)