Saisie d’une requête dirigée contre l’Autriche, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 5 avril dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Blum c. Autriche, requête n°33060/10 – disponible uniquement en anglais). Le requérant, ressortissant autrichien, est un avocat qui a fait l’objet, en parallèle d’une enquête pénale préliminaire, d’une procédure disciplinaire en ce qu’il aurait représenté 2 personnes en situation de conflits d’intérêt et falsifié des éléments de preuve. Le Conseil disciplinaire saisi, en l’absence d’audience et à titre conservatoire, a pris une mesure de suspension provisoire à l’encontre de l’avocat, lui interdisant de représenter des clients devant les juridictions du ressort pour les affaires criminelles. Ce n’est que lorsque la décision d’acquittement rendue par la juridiction pénale est devenue définitive que la mesure d’interdiction provisoire a été levée. Le requérant se plaignait, en particulier, de ce que le Conseil disciplinaire n’ait pas tenu audience avant de prononcer la mesure conservatoire contre lui et alléguait une violation de son droit à un procès équitable. La Cour rappelle que des sanctions disciplinaires relatives au droit d’exercer une profession mettent en cause les droits civils tels qu’ils sont garantis par l’article 6 §1 de la Convention qui est donc applicable aux procédures disciplinaires sous son aspect civil. Elle considère que si la nécessité de protéger le public et la réputation de la profession justifient, dans certaines situations, l’adoption de mesures provisoires et urgentes, une mesure telle que le retrait du droit de représenter des clients devant une juridiction a des conséquences importantes sur la réputation et sur la carrière d’un avocat. En l’espèce, la Cour considère qu’un débat oral était nécessaire pour examiner le caractère sérieux des infractions disciplinaires alléguées contre l’avocat, mais également pour évaluer, en équité, les conséquences de la mesure de suspension provisoire sur la carrière de l’intéressé. Elle constate que le Conseil disciplinaire pouvait choisir entre plusieurs mesures conservatoires et n’avait donc pas à statuer seulement au regard de considérations techniques ou juridiques ne nécessitant pas de débat oral. En outre, la Cour juge qu’il n’est pas démontré que la situation soit d’une urgence telle qu’il faille se passer de débats oraux. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 6 §1 de la Convention. (AB)