Saisie d’une requête dirigée contre la Croatie, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 20 octobre dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable et garantissant le droit à l’assistance d’un avocat (Dvorski c. Croatie, requête n°25703/11). Le requérant, un ressortissant croate, a été arrêté et interrogé par la police pour une affaire de meurtres, de vol à main armé et d’incendie volontaire. Ses parents ont mandaté un avocat pour le représenter. Les policiers ont refusé à celui-ci la possibilité d’assister le requérant lors de son interrogatoire et n’ont, par ailleurs, pas informé ce dernier de la présence de cet avocat. Le requérant a dû choisir un autre avocat et a, lors de son interrogatoire, avoué les faits qui lui étaient reprochés. Il se plaignait que le fait de ne pas avoir été autorisé à être représenté par l’avocat mandaté par ses parents pendant son interrogatoire constituait une violation de son droit à un procès équitable. La Cour considère, tout d’abord, que si le requérant a formellement choisi un avocat pour sa représentation lors de son interrogatoire, il ne l’a pas fait en connaissance de cause puisqu’il ignorait qu’un autre avocat, mandaté par ses parents, était venu au poste de police pour assurer sa défense, la police ne l’ayant pas informé. Ainsi, le requérant a été privé de la possibilité de choisir d’être représenté par l’avocat mandaté par ses parents lors de son interrogatoire. Selon la Cour, cette restriction n’apparaît pas justifiée par des motifs pertinents et suffisants. La Cour précise, ensuite, que le fait d’avoir signé une procuration pour un autre avocat ne signifie pas que le requérant a renoncé sans équivoque à son droit de désigner en connaissance de cause un avocat de son choix, garanti par l’article 6 de la Convention, puisqu’il ignorait qu’un avocat engagé par ses parents cherchait à le rencontrer. Elle souligne, enfin, l’importance de la phase d’investigation dans la préparation du procès pénal et dans laquelle l’accusé doit se voir offrir la possibilité de faire appel au défenseur de son choix. La Cour considère que, dès lors qu’il est allégué que la désignation ou le choix par un suspect d’un avocat a contribué à lui faire formuler une déclaration auto-incriminante dès le début de l’enquête, les autorités, notamment judiciaires, se doivent d’opérer un contrôle minutieux. Or, elle observe, qu’en l’espèce, aucune autorité ou juridiction nationale n’a pris la moindre mesure pour entendre l’avocat mandaté par les parents du requérant ou les policiers impliqués en vue de faire la lumière sur les circonstances entourant la venue de cet avocat au poste de police. Dès lors, la Cour considère que les juridictions nationales n’ont pas dûment pris les mesures qui s’imposaient pour assurer l’équité du procès. Partant, elle conclut à la violation de l’article 6 §1 de la Convention. (MS)