Saisie d’une requête dirigée contre la Belgique, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 28 septembre dernier, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants (Bouyid c. Belgique, requête n°23380/09). Les requérants, ressortissants belges, se plaignaient d’avoir été giflés par des agents de police. Invoquant, notamment, l’article 3 de la Convention, ils estimaient avoir été victimes d’un traitement dégradant et jugeaient que l’instruction conduite à la suite de leurs plaintes avait été ineffective, incomplète et partiale et en dénonçaient la durée. Concernant le volet matériel, la Cour rappelle que lorsqu’un individu se trouve confronté à des agents des forces de l’ordre, l’utilisation de la force physique, alors qu’elle n’est pas strictement nécessaire, porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3 de la Convention. En l’espèce, la Cour estime que la gifle ne correspondait pas à une utilisation de la force physique rendue strictement nécessaire par leur comportement. Elle précise, par ailleurs, que l’impact d’une gifle est considérable dans la mesure où elle touche à la partie du corps qui exprime l’individualité, marque l’identité sociale et permet la communication avec autrui. Elle ajoute que le fait pour les victimes de savoir qu’un tel acte est illégal, constitue un manquement déontologique et professionnel de la part de ces agents et peut susciter un sentiment d’arbitraire, d’injustice et d’impuissance. La Cour retient, en conséquence, qu’il y a eu traitement dégradant et conclut à la violation de l’article 3 de la Convention dans son volet matériel. Concernant le volet procédural, la Cour constate qu’une instruction a été ouverte et que les 2 policiers mis en cause ont été inculpés pour avoir usé de violences envers des personnes. L’instruction s’est déroulée en conformité avec les prescriptions légales, sous l’autorité d’un juge d’instruction. Cependant, ce dernier n’a ni procédé ni fait procéder à une confrontation entre les policiers en cause et les requérants, et n’a entendu ou fait entendre ni les médecins qui ont établi les certificats médicaux produits par les intéressés, ni les témoins. Enfin, la Cour relève que presque 5 ans se sont écoulés entre la plainte du premier requérant et l’arrêt de cassation marquant la fin de l’instruction et plus de 4 ans et 8 mois dans le cas du second requérant. Dès lors, la Cour estime que les requérants n’ont pas bénéficié d’une enquête effective et conclut à la violation de l’article 3 de la Convention dans son volet procédural. (MF)