Saisie d’une requête dirigée contre la Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 19 janvier dernier, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants (M.D et M.A c. Belgique, requête n°58689/12). Les requérants, ressortissants russes, sont un couple d’origine tchétchène, ayant introduit successivement 4 demandes d’asile après leur arrivée sur le territoire belge, notamment en raison de craintes de représailles politiques. Lors de leur 4e demande, les instances belges ont refusé de réexaminer le risque encouru en cas de renvoi dans leur pays d’origine à la lumière de nouveaux documents présentés. Les requérants alléguaient que leur renvoi vers la Russie les exposerait à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention. La Cour rappelle que l’expulsion par un Etat d’un individu engage sa responsabilité lorsqu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, s’il est expulsé vers le pays de destination, y coure un risque d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention. Elle ajoute qu’il convient impérativement de soumettre à un contrôle attentif et à un examen indépendant et rigoureux tout grief au terme duquel il existe des motifs de croire à un risque de traitement contraire à l’article 3 de la Convention. Toutefois, la Cour rappelle qu’il est légitime pour les Etats de vouloir réduire les demandes d’asile répétitives et manifestement abusives ou mal fondées et de prévoir, par conséquent, des règles spécifiques pour le traitement de telles demandes. A cet égard, elle insiste sur le fait que compte tenu de l’importance qui doit être attachée au caractère absolu de l’article 3 de la Convention et de la nature irréversible du dommage susceptible d’être causé en cas de réalisation du risque de mauvais traitement, il appartient aux autorités nationales de se montrer aussi rigoureuses que possible et de procéder à un examen attentif des griefs sans quoi les recours perdent de leur efficacité. En l’espèce, la Cour estime qu’en l’absence de réexamen par les instances nationales du risque encouru par les requérants à la lumière des documents produits à l’appui de leur 4e demande d’asile, ces instances ne disposaient pas d’éléments suffisants pour être assurées qu’en cas de renvoi vers la Russie, les requérants ne couraient pas de risque concret et réel de traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Partant, la Cour conclut que si les requérants devaient être envoyés vers la Russie sans examen desdits documents, il y aurait violation de l’article 3 de la Convention. (AB)