Saisie de renvois préjudiciels par la Court of Appeal of England and Wales (Royaume-Uni) et la High Court (Irlande), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée, le 21 décembre dernier, sur l’interprétation de l’article 3 §2 du règlement 343/2003/CE, dit « Dublin II », établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers (N.S et M.E. e.a., aff.jointes C-411/10 et C-493/10). Les juridictions de renvoi ont interrogé la Cour sur le point de savoir si, au vu de la saturation du système d’asile grec et de ses effets sur le traitement réservé aux demandeurs d’asile et sur l’examen de leurs demandes, les autorités d’un Etat membre qui doivent effectuer le transfert des demandeurs vers la Grèce doivent contrôler au préalable si cet Etat respecte effectivement les droits fondamentaux. Elles demandent également si, au cas où cet Etat ne respecterait pas les droits fondamentaux, ces autorités sont tenues d’accepter la responsabilité d’examiner elles-mêmes la demande. La Cour relève que la moindre violation des normes réglant le droit d’asile ne suffit pas à empêcher le transfert d’un demandeur d’asile vers l’Etat membre normalement compétent, car cela viderait de leur substance les obligations des Etats prévues par le système européen commun d’asile et compromettrait l’objectif de désigner rapidement l’Etat membre compétent. Toutefois, la Cour considère que le droit de l’Union s’oppose à l’application d’une présomption irréfragable selon laquelle l’Etat membre désigné comme responsable par le règlement respecte les droits fondamentaux de l’Union européenne. En effet, il incombe aux Etats membres de ne pas transférer un demandeur d’asile vers l’Etat membre désigné comme responsable lorsqu’ils ne peuvent ignorer que les défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile constituent des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur courra un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. (JH)