Saisie d’une requête dirigée contre la Suisse, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 4 novembre dernier, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants (Tarakhel c. Suisse, requête n°29917/12). Les requérants, 2 ressortissants afghans et leurs 6 enfants résidant en Suisse, ont déposé, dans cet Etat, une demande d’asile. En vertu du règlement dit « Dublin II » par lequel la Suisse est liée en vertu de l’accord d’association avec l’Union européenne, les autorités suisses ont considéré que l’Italie était l’Etat responsable pour examiner cette demande et ont ordonné le renvoi des requérants vers celui-ci. Les requérants invoquaient, notamment, l’article 3 de la Convention, estimant qu’en cas de renvoi vers l’Italie, sans garantie individuelle de prise en charge, ils seraient victimes d’un traitement inhumain et dégradant lié à l’existence de défaillances systémiques dans le dispositif d’accueil de ce pays. La Cour rappelle que, en tant que catégorie de la population particulièrement défavorisée et vulnérable, les demandeurs d’asile ont besoin d’une protection spéciale au regard de l’article 3 de la Convention. Cette exigence est d’autant plus importante lorsque les personnes concernées sont des enfants, quand bien même ceux-ci seraient accompagnés de leurs parents. La Cour relève, ensuite, qu’en l’absence d’informations détaillées et fiables quant à la structure d’accueil précise de destination, aux conditions matérielles d’hébergement et à la préservation de l’unité familiale, les autorités suisses ne disposaient pas d’éléments suffisants pour être assurées qu’en cas de renvoi en Italie, les requérants seraient pris en charge d’une manière adaptée à l’âge des enfants. La Cour en conclut que si les autorités suisses devaient renvoyer les requérants en Italie sans qu’elles n’aient obtenu au préalable des autorités italiennes une garantie individuelle concernant, d’une part, une prise en charge adaptée à l’âge des enfants et, d’autre part, la préservation de l’unité familiale, il y aurait violation de l’article 3 de la Convention. (MF)