Saisie d’une requête dirigée contre la Grèce, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 13 octobre dernier, les articles 8, 3 et 13, combinés avec ces derniers, de la Convention européenne des droits de l’homme, relatifs, respectivement, au droit au respect de la vie privée et familiale, à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants et au droit à un recours effectif (B.A.C. c. Grèce, requête n°11981/15). Le requérant, ressortissant turc, a formé une demande d’asile en Grèce. Le Ministre en charge d’octroyer le statut de réfugié n’a pas rendu sa décision durant 12 ans, obligeant le requérant à faire renouveler tous les 6 mois sa carte de demandeur d’asile laquelle ne constitue pas un titre de séjour et n’offrant donc pas les droits en découlant et lui permettant seulement de ne pas être expulsé. Parallèlement, les juridictions grecques ont rejeté la demande d’extradition formulée par la Turquie compte tenu du risque couru par le requérant de subir des mauvais traitements en raison de ses opinions politiques. Le requérant arguait que l’incertitude liée à son statut avait porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu’il ne disposait pas d’un recours effectif lui permettant de dénoncer cette situation. Il alléguait, par ailleurs, une violation des articles 3 et 13 combinés de la Convention dans la mesure où sa demande d’asile pouvait être rejetée à tout moment ce qui représentait un risque de mauvais traitement en cas de renvoi en Turquie. La Cour rappelle que l’article 8 de la Convention ne va pas jusqu’à garantir à l’intéressé le droit à un type particulier de titre de séjour, à condition que la solution proposée par les autorités lui permette d’exercer sans entrave ses droits au respect de la vie privée et familiale. A cet égard, elle précise que, parmi les obligations positives découlant de l’article 8 de la Convention, figure celle d’examiner les demandes d’asile des personnes concernées dans de brefs délais afin de raccourcir autant que possible la situation de précarité et d’incertitude dans laquelle ces personnes se trouvent. Elle note que le requérant n’a pas pu s’inscrire à l’université, ni ouvrir un compte bancaire ou se voir attribuer un numéro d’enregistrement fiscal, ni même obtenir un permis de conduire. Partant, la Cour considère que les autorités compétentes ont manqué à leur obligation positive en matière de respect du droit à la vie privée et familiale, et conclut à la violation des articles 8 et 13 de la Convention. Par ailleurs, la Cour note qu’étant donné que la demande d’asile litigieuse est toujours pendante, la situation juridique du requérant demeure incertaine, ce qui l’expose à un renvoi inopiné en Turquie, sans avoir la possibilité de bénéficier d’un examen effectif de sa demande d’asile, et alors qu’il existe, à première vue, des risques sérieux et avérés qu’il pourrait subir dans ce pays des traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Partant, la Cour conclut à la violation des articles 3 et 13 de la Convention. (JL)