L’arrestation d’un ancien juge de la Cour constitutionnelle après la tentative de coup d’Etat en Turquie, sa mise en détention provisoire et la perquisition de son domicile sur la base d’une interprétation extensive de la notion de « flagrant délit » est contraire aux articles 5 et 8 de la Convention (29 juin)
Arrêt Tercan c. Turquie, requête n°6158/18
La Cour EDH relève un défaut de prévisibilité juridique des arrestations et détentions provisoires des juges membres des hautes juridictions en Turquie à la suite de la tentative de coup d’Etat en raison, notamment, de l’interprétation de la notion de « flagrant défit » concernant l’infraction d’appartenance à une organisation armée. Selon elle, l’interprétation extensive effectuée par les autorités nationales postérieurement aux évènements ne repose sur aucune disposition législative, dépasse largement le cadre légal de l’état d’urgence et nie les garanties procédurales accordées au corps de la magistrature pour protéger leur indépendance à l’égard de l’exécutif. Les autorités d’enquête pourraient priver d’immunité un juge, sans s’appuyer sur un élément de fait actuel ou autre indice apparent, dès lors qu’elles disposent ou croient avoir disposé, même à tort, d’éléments de preuves justifiant leurs soupçons. En outre, les soupçons justifiant la mise en détention du requérant durant la procédure initiale n’atteignaient pas le niveau minimum de plausibilité exigé car ils ne reposaient sur aucun élément de fait ou information spécifique. Partant, la Cour EDH conclut à la violation de l’article 5 §1 de la Convention. Elle conclut également à l’absence de motifs pertinents et suffisants pour maintenir le requérant en détention provisoire pendant plus de 2 ans et 8 mois dans l’attente de son jugement, ainsi qu’à une ingérence injustifiée dans l’exercice de son droit au respect de son domicile familial, lequel a été perquisitionné en violation de l’article 8 de la Convention. (MAG)