Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Tribunal Supremo (Espagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 17 mars dernier, l’article 13 §1 de la directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle, lequel prévoit l’octroi de dommages-intérêts au titulaire du droit de propriété intellectuelle en cas d’activité contrefaisante (Liffers, aff. C-99/15). En l’espèce, quelques passages d’une œuvre audiovisuelle ont été insérés dans un documentaire diffusé par une chaîne de télévision sans qu’une autorisation ait été demandée au titulaire du droit. Ce dernier a formé un recours visant à faire cesser toute violation de ses droits de propriété intellectuelle et à être indemnisé, en particulier, de son préjudice moral. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 13 §1 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à la personne lésée par une violation de son droit de propriété intellectuelle, qui réclame une indemnisation de son dommage matériel calculée, conformément au second alinéa, sous b), du paragraphe 1 de cet article, sur la base des redevances hypothétiques, de réclamer de surcroît l’indemnisation de son préjudice moral telle qu’elle est prévue au paragraphe 1, second alinéa, sous a), dudit article. La Cour relève, tout d’abord, que, si l’article 13 §1, second alinéa, sous b), de la directive n’évoque pas le préjudice moral en tant qu’élément que les autorités judiciaires doivent prendre en considération lorsqu’elles fixent les dommages-intérêts à verser au titulaire du droit, il n’exclut pas non plus la prise en compte de ce type de préjudice. Elle souligne, ensuite, que le premier alinéa de l’article 13 §1 de la directive établit la règle générale selon laquelle les autorités judiciaires compétentes doivent ordonner au contrevenant le versement, au titulaire du droit de propriété intellectuelle lésé, des dommages-intérêts adaptés au préjudice que celui-ci a réellement subi du fait de l’atteinte. Par conséquent, la Cour estime que le libellé même de l’article 13 §1, second alinéa, sous b), de la directive, lu en combinaison avec le premier alinéa de ce paragraphe, exclut que le calcul des dommages-intérêts à verser au titulaire du droit en cause soit fondé exclusivement sur le montant des redevances hypothétiques lorsque ce titulaire a effectivement subi un préjudice moral. Partant, la Cour conclut que l’article 13 §1 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il permet à la personne lésée par une violation de son droit de propriété intellectuelle, qui réclame une indemnisation de son dommage matériel calculée, conformément au second alinéa, sous b), du paragraphe 1, de cet article, sur la base du montant des redevances hypothétiques, de réclamer de surcroît l’indemnisation de son préjudice moral telle qu’elle est prévue au paragraphe 1, second alinéa, sous a), dudit article. (SB)