Saisie d’une requête dirigée contre la Roumanie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 11 février dernier, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants (Grămadă c. Roumanie, requête n°14974/09). Le requérant, ressortissant roumain, s’était vu infliger des blessures par des tirs d’un policier lors de l’interpellation d’une tierce personne. Les tribunaux roumains ont écarté la responsabilité pénale du policier mais le requérant s’est vu octroyer une partie des dédommagements réclamés à titre de dommage matériel et moral à la suite de ses blessures. Invoquant l’article 6 de la Convention relatif au droit à un procès équitable, le requérant se plaint des mauvais traitements infligés par le policier et de l’absence d’enquête effective à cet égard. En l’espèce, la Cour estime que les questions soulevées doivent être examinées non pas sous l’angle de l’article 6, mais sous celui de l’article 3 de la Convention. La Cour constate, tout d’abord, que les violences subies par le requérant ont entraîné des lésions qui lui ont causé des souffrances entrant dans le champ d’application de l’article 3. Elle rappelle ensuite qu’il lui incombe de rechercher si la force utilisée était strictement nécessaire et proportionnée et si l’Etat doit être tenu pour responsable des blessures infligées. La Cour considère que l’enquête puis la décision des juges d’exempter le policier de toute responsabilité pénale, en invoquant la notion d’« excès justifié » consacrée par le droit pénal roumain, dénote un pouvoir discrétionnaire exercé dans le souci de réduire l’effet d’un acte illégal d’une extrême gravité plutôt que dans celui de prohiber toute tolérance de tels actes par une condamnation adéquate, ce qui n’a pas offert un redressement approprié de l’atteinte portée au requérant. La Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention et octroie au requérant la somme de 4000 euros au titre de son préjudice moral. (MG)