Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Bundesgerichtshof (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 26 septembre dernier, l’article 34, point 4, du règlement 44/2001/CE concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles I » (Salzgitter Mannesmann Handel, aff. C-157/12). Dans l’affaire au principal, la société Laminorul a engagé contre la société Salzgitter, établie en Allemagne, une action devant un tribunal roumain en vue d’obtenir le paiement d’une livraison de produits sidérurgiques. Par un premier jugement devenu définitif, celui-ci a rejeté la demande de Laminorul au motif que l’action aurait dû être dirigée contre son véritable contractant, à savoir Salzgitter Mannesmann Stahlhandel. A la suite d’une nouvelle action intentée par Laminorul pour les mêmes faits, la même juridiction a condamné Salzgitter au paiement d’une amende. Ce second jugement a été déclaré exécutoire en Allemagne. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 34, point 4, du règlement recouvre, également, parmi les motifs de contestation de la force exécutoire d’une décision, des décisions inconciliables rendues par des juridictions d’un même Etat membre. La Cour rappelle que la liste des motifs de contestation susceptibles d’être invoqués revêt un caractère exhaustif et que ses éléments appellent une interprétation stricte, dans la mesure où ils constituent un obstacle à la réalisation de l’objectif de facilitation de la libre circulation des jugements. S’agissant du motif de non-exécution reposant sur le caractère inconciliable de deux décisions, la Cour considère que le libellé de l’article 34, point 4, fait apparaître que la situation envisagée est celle où les décisions inconciliables proviennent de 2 Etats distincts. L’interprétation selon laquelle cette disposition viserait, également, les conflits entre 2 décisions provenant d’un même Etat membre est incompatible, selon elle, avec le principe de la confiance réciproque inspirant le système établi par le règlement. En effet, la non-exécution de la décision devenue définitive au motif de son caractère inconciliable avec une autre décision provenant du même Etat membre serait comparable à une révision au fond de la décision dont l’exécution est demandée, ce qui est expressément exclu par le règlement. Partant, la Cour conclut que l’article 34, point 4, du règlement doit être interprété en ce sens qu’il ne recouvre pas des décisions inconciliables rendues par des juridictions d’un même Etat membre. (SB)