Le Tribunal de l’Union européenne s’est prononcé pour la 1ère fois sur la légalité du critère d’inscription permettant au Conseil de l’Union européenne d’adopter des mesures restrictives à l’encontre des personnes organisant, dirigeant ou participant à des manifestations violentes ou à d’autres actes de violence déstabilisant la Moldavie (18 décembre 2024)
Arrêt Mironovich Shor c. Conseil, aff. T-489/23 et arrêt Tauber c. Conseil, aff. T-493/23
Le Conseil a adopté en avril 2023 la décision (PESC) 2023/891 ainsi que le règlement (UE) 2023/888 afin de soutenir la Moldavie contre certaines actions de déstabilisation. Les requérants, un homme d’affaire et ancien dirigeant politique d’une part, et une ancienne députée devenue vice-présidente du même parti politique d’autre part, ont fait l’objet d’une décision d’inscription puis de maintien de leurs noms à l’annexe 1 de la décision (PESC) 2023/891 et du règlement (UE) 2023/888, aux motifs qu’ils étaient impliqués dans des incitations à la violence contre l’actuel gouvernement de Moldavie, ainsi que dans le financement, via des fonds d’origine illicite, de manifestations violentes. Ils soutenaient par ailleurs une activité pro-russe dans le pays. Dans un 1er temps, le Tribunal estime qu’eu égard aux objectifs et au contenu de la décision 2023/891, celle-ci est directement liée aux finalités de la politique étrangère et de sécurité commune (« PESC ») telles qu’énoncées à l’article 21 § 2, sous b) TUE, en ce que celle-ci vise à consolider et à soutenir la démocratie et l’Etat de droit en Moldavie. Partant, l’organisation, la direction ou la participation à des manifestations violentes ou à d’autres actes de violence, lesquels ne sauraient relever du droit fondamental à la liberté de réunion pacifique garanti par l’article 11 de la Convention et par l’article 12 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, peut justifier une action de l’Union afin de consolider et de soutenir la démocratie et l’Etat de droit dans un pays tiers. Dans un 2ème temps, le Tribunal considère que les motifs des actes attaqués sont suffisamment étayés et reposent sur des éléments de preuve concrets, précis et concordants permettant d’établir d’une part, que le requérant a pris part à la formation de personnes dans le but de provoquer des troubles lors des manifestations et, d’autre part, que son parti a organisé des manifestations et des rassemblements violents avec le concours de manifestants sélectionnés et rémunérés, lesquels étaient susceptibles de causer des troubles et des violences dans le but d’intimider le gouvernement Moldave. Le Tribunal estime dans ces circonstances qu’il ne saurait être admis que ces personnes exerçaient leur droit à la liberté de réunion pacifique. Dans un 3ème temps, le Tribunal reconnaît que la simple dissolution du parti politique des requérants ne suffit pas à rendre obsolètes les mesures restrictives adoptées, étant donné que le Conseil a estimé que la menace qui pesait sur la démocratie et l’Etat de droit persistait, ainsi que sur la stabilité et la sécurité de la Moldavie. Le Tribunal rejette les recours. (BM)