L’absence en droit national du droit d’un enfant à être reconnu, à des fins successorales, comme l’héritier de son parent décédé, ne constitue pas une violation de la Convention (15 février)
Arrêts Colombier c. France, requête n°14925/18 et Jarre c. France, requête n°14157/18
Dans les 2 affaires, les requérants se plaignaient de ne pas s’être vu reconnaître par les juridictions internes, leur droit à la part réservataire dans la succession de leur père, qui les en avait exclus par l’effet d’un trust. L’article consacrant ce droit avait en effet fait l’objet d’une déclaration d’inconstitutionnalité par le Conseil constitutionnel. Dans un 1er temps, la Cour EDH rappelle que les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation en matière successorale et notamment dans le choix des moyens destinés à garantir le droit à une vie familiale. Dans un 2ème temps, elle estime qu’il incombe aux juridictions nationales d’interpréter et d’appliquer le droit interne à la lumière des traditions juridiques locales. A ce titre, elle considère qu’en choisissant la loi étrangère conformément aux règles de conflit de lois en matière de droit international privé, et en s’abstenant de considérer la réserve héréditaire existant en droit national comme une exception d’ordre public, l’Etat défendeur n’a pas méconnu son obligation de garantir le respect de la vie familiale des requérants. Dans un 3ème temps, la Cour EDH constate, dans l’affaire Colombier, que les juridictions internes n’ont pas créé de différence de traitement, étant donné que l’exclusion des requérants de la succession de leur père représentait uniquement le respect du choix du défunt. Dans un 4ème temps, elle reconnait, dans l’affaire Jarre, que l’exclusion, par les juridictions internes, de l’application au litige de la disposition en question, du fait de son abrogation par le Conseil constitutionnel, constitue une ingérence dans le droit de propriété des requérants. Toutefois, la Cour EDH constate que cette ingérence était prévue par la loi et proportionnée au but poursuivi, à savoir le respect du principe d’égalité devant la loi. Elle rappelle également qu’une évolution de la jurisprudence n’est pas en soi contraire à une bonne administration de la Justice, et ajoute que la suppression de l’article litigieux est intervenue à la suite d’un mécanisme de contrôle normal dans un Etat démocratique, et non pas à la suite d’un mécanisme extraordinaire ad hoc. Partant, la Cour EDH conclut à la non-violation, dans l’affaire Colombier, des articles 8 et 14 de la Convention, et dans l’affaire Jarre, des articles 1 au Protocole n°1 et 6 §1 de la Convention. (LA)