Saisie d’une requête dirigée contre le Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 25 avril dernier, les articles 6 §1 et §3 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatifs au droit à un procès équitable (Ellis et Simms et Martin c. Royaume-Uni, requêtes n°46099/06 et 46699/06 – arrêt disponible uniquement en anglais). Les requérants, deux ressortissants britanniques, qui appartiennent au même gang, sont accusés de meurtre et de tentative de meurtre de deux jeunes femmes, lors d’une fusillade qui a eu lieu à Birmingham en 2003. Un témoin de la fusillade, autorisé à déposer en gardant l’anonymat, a déclaré avoir vu les deux requérants dans le véhicule d’où les coups de feu étaient partis. En 2005, les requérants ont été jugés coupables et condamnés à une peine d’emprisonnement à perpétuité. Les requérants ont alors saisi la Cour, se plaignant que la décision d’accorder l’anonymat au témoin et d’accepter sa déposition à l’audience avait porté atteinte à leur droit à un procès équitable, qui comprend le droit d’interroger un témoin à charge. La Cour estime que, dans les affaires où interviennent des témoins anonymes, l’article 6 §3 impose trois exigences. Tout d’abord, il doit y avoir un motif sérieux de garder secrète l’identité du témoin. Ensuite, la Cour doit rechercher si la condamnation se fonde uniquement ou dans une mesure déterminante sur la déposition du témoin anonyme. Enfin, si tel est le cas, elle doit être convaincue qu’il existait suffisamment d’éléments pour contrebalancer cela, dont des garanties procédurales solides pour permettre une appréciation correcte et équitable de la fiabilité de cette déposition. La Cour souligne qu’il y avait un intérêt public manifeste à poursuivre les crimes perpétrés par des gangs et qu’autoriser un témoin à déposer de manière anonyme était un élément important pour permettre de telles poursuites. En l’espèce, la Cour est convaincue que le jury a pu procéder à une appréciation correcte et équitable de la fiabilité de la déposition du témoin anonyme au cours du procès des requérants. Elle considère donc que la déposition d’un témoin anonyme n’a pas porté atteinte à l’équité du procès puisque cet anonymat était légitime et compensé durant la procédure par des garanties à la défense. La Cour rejette les griefs des requérants et déclare leur requête irrecevable. (FD)