La révocation d’une procureure ayant émis des critiques à l’égard d’une réforme de la magistrature, ainsi que le refus des juridictions d’examiner au fond la décision actant cette révocation, sont contraires au droit à la liberté d’expression et au droit d’accès à un tribunal (5 mai)
Arrêt Kövesi c. Roumanie, requête n°3594/19
La Cour EDH estime que le seul examen du respect des formalités externes de l’acte révoquant la procureure principale de la direction anticorruption roumaine, alors que celle-ci contestait cet acte sur le fond, n’a pas permis à cette dernière de saisir le juge des griefs qu’elle entendait soulever. Elle considère que l’exclusion de cet examen au fond a vidé de sa substance le droit d’accès à un tribunal de la requérante et, partant, conclut à la violation de l’article 6 §1 de la Convention relatif au droit à un procès équitable. Par ailleurs, la Cour EDH constate qu’il existe, prima facie, un lien entre les propos tenus par la requérante et sa révocation, si bien qu’un tel acte constitue une ingérence dans son exercice du droit à la liberté d’expression. Elle affirme qu’une telle ingérence ne peut être justifiée par une volonté de préserver une prééminence du droit et refuse donc de considérer qu’elle poursuivait un but légitime. Elle ajoute que les fonctions de la requérante incluaient l’expression de son opinion sur les réformes susceptibles d’avoir des conséquences sur la magistrature et que les critiques émises s’inscrivaient dans le cadre d’un débat sur des questions d’intérêt public. La Cour EDH considère donc qu’une telle révocation est contraire à la préservation de l’indépendance de la justice et, partant, conclut à la violation de l’article 10 de la Convention relatif au droit à la liberté d’expression. (EN)