Saisie d’une requête dirigée contre la Turquie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 18 décembre dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté d’expression (Ahmet Yildirim c. Turquie, requête n°3111/10). Le requérant, ressortissant turc, est propriétaire et utilisateur d’un site Internet. En 2009, le Tribunal de Denizli a rendu une décision ordonnant le blocage de l’accès à un site Internet tiers dont le propriétaire était accusé d’outrage à la mémoire d’Atatürk. Il a ensuite décidé de bloquer totalement l’accès à « Google Sites » qui hébergeait non seulement le site tiers mais aussi celui du requérant. Ainsi, le requérant se plaint de l’impossibilité d’accéder à son site Internet qui constitue, selon lui, une atteinte à son droit à la liberté de recevoir et de communiquer des informations et des idées. Tout d’abord, la Cour considère que la mesure en cause s’analyse en une restriction résultant d’une mesure préventive de blocage d’un site Internet constitutive d’une ingérence des autorités publiques dans le droit de l’intéressé à la liberté d’expression. Ensuite, la Cour estime que, même si le blocage de l’accès au site Internet concerné a une base légale, cette ingérence ne répond pas à la condition de prévisibilité de la loi. En outre, elle ajoute que le contrôle juridictionnel du blocage de l’accès aux sites Internet ne réunit pas les conditions suffisantes pour éviter les abus, le droit interne ne prévoyant aucune garantie pour éviter qu’une mesure de blocage visant un site Internet précis ne soit utilisée comme moyen de blocage général. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (AB)