Saisie d’une requête dirigée contre l’Autriche, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 19 février dernier, les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit au respect de la vie privée et familiale et à l’interdiction de discrimination (X et e.a. c. Autriche, requête n°19010/07). Les requérants, un couple de ressortissantes autrichiennes et le fils de l’une d’elles, se sont plaints du refus des juridictions autrichiennes de faire droit à la demande de la compagne de la mère du requérant d’adopter l’enfant, né hors mariage et placé sous la garde exclusive de sa mère, sans que les liens juridiques entre la mère et l’enfant ne s’en trouvent rompus. L’adoption coparentale par un couple homosexuel étant juridiquement impossible en droit autrichien, ils estiment subir une discrimination par rapport aux couples hétérosexuels. La Cour indique, tout d’abord, que les différences fondées sur l’orientation sexuelle doivent être justifiées par des motifs impérieux ou par des raisons particulièrement solides et convaincantes. Elle rappelle, ensuite, que la situation des requérantes au regard de l’adoption coparentale n’est pas comparable à celle d’un couple marié. La Cour constate que le droit autrichien ouvre l’adoption coparentale aux couples hétérosexuels non mariés sans qu’il y ait rupture des liens entre le parent et l’enfant, alors que cela est juridiquement impossible pour un couple homosexuel, les dispositions pertinentes du code civil autrichien énonçant que l’adoptant se substitue au parent biologique du même sexe que lui. Ainsi, les requérantes ne peuvent pas recourir à l’adoption en vue de créer, entre l’enfant et la requérante qui demande l’adoption, un lien de filiation qui s’ajouterait à celui qui existe entre l’enfant et sa mère. La différence de traitement est donc fondée sur l’orientation sexuelle des requérantes. Or, si la Cour reconnaît que le souci de protéger la famille au sens traditionnel du terme et la protection de l’intérêt de l’enfant sont des motifs légitimes aptes à justifier une différence de traitement, elle considère que le gouvernement autrichien n’a pas fourni de raisons solides justifiant une telle exclusion. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 de la Convention pour autant que l’on compare la situation des requérants avec celle d’un couple hétérosexuel non marié dont l’un des membres aurait souhaité adopter l’enfant de l’autre. (SB)