Saisie d’une requête dirigée contre l’Espagne, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 5 mars dernier, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Varela Geis c. Espagne, requête n°61005/09). Le requérant, un libraire qui vendait des ouvrages sur l’Holocauste, a été condamné à une peine d’emprisonnement et à une amende pour des faits de négation de l’Holocauste constitutifs de délits de « génocide » et de provocation à la discrimination pour des motifs raciaux. Saisi par la juridiction d’appel, le Tribunal constitutionnel espagnol a déclaré, d’une part, que la disposition du code pénal relative à la négation de génocide était inconstitutionnelle et, d’autre part, que seule la diffusion d’idées ou de doctrines justifiant les crimes de génocide était passible d’une peine d’emprisonnement. Dès lors, le requérant a été acquitté des délits de « génocide » et de provocation à la discrimination et condamné, sur la base des faits retenus en première instance, pour le délit de justification de génocide. Le requérant se plaint d’avoir été condamné, en appel, pour des faits qui ne correspondent ni à l’objet de l’acte d’accusation, ni à la condamnation en première instance. La Cour souligne qu’une information précise et complète des charges pesant contre un accusé et donc leur qualification juridique est une condition essentielle de l’équité de la procédure et permet à l’accusé d’assurer sa défense. Or, elle constate qu’il ne ressort pas du dossier que la possibilité d’une requalification des faits de négation en justification de génocide ait été évoquée lors des débats devant la juridiction d’appel et la juridiction constitutionnelle et qu’il n’est donc pas établi que le requérant en ait eu connaissance. La Cour estime, dès lors, que la juridiction d’appel n’a pas donné la possibilité au requérant d’exercer son droit de défense d’une manière concrète, effective et en temps utile. Elle conclut donc à la violation de l’article 6 de la Convention. (MF)