Saisie d’une requête dirigée contre la Russie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 4 avril dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté d’expression (Reznik c. Russie, requête n°4977/05 – disponible uniquement en anglais). Le requérant, Bâtonnier du Barreau de Moscou, a été condamné pour diffamation, après avoir critiqué, lors d’une émission télévisée, la fouille d’une avocate par des gardiens de prison de sexe masculin après sa rencontre avec un de ses clients. Le requérant considère que sa condamnation constitue une restriction disproportionnée à son droit à la liberté d’expression. La Cour constate, tout d’abord, que la condamnation pour diffamation constitue une ingérence dans la liberté d’expression, mais qu’elle poursuit le but légitime de la protection de la réputation d’autrui. La Cour rappelle que les avocats ont le droit de se prononcer publiquement sur le fonctionnement de la justice, pourvu que leurs critiques ne franchissent pas certaines limites. En l’espèce, elle relève que le débat télévisé était conçu pour susciter un échange de vues, voire une polémique et constate que le contradicteur du Bâtonnier n’était autre qu’un représentant du Ministère de la justice qui avait donc la possibilité de réfuter ces allégations. Ensuite, la Cour note que les propos du requérant ne comportaient aucune indication permettant d’identifier les plaignants, c’est-à-dire les gardiens de prison, leur identification n’ayant été possible qu’après la diffusion de reportages postérieurement au débat. Ainsi, le tribunal de Moscou n’a pas avancé de motifs suffisants pour établir un lien objectif entre ces gardiens et les déclarations du Bâtonnier dans le cadre de l’action en diffamation dont il était saisi. Enfin, la Cour estime que le fait que le requérant ait qualifié cette procédure de « fouille » plutôt que d’ « inspection » n’est pas déterminant, car, d’une part, le public du débat était profane et, d’autre part, la critique concernait essentiellement le fait que ce contrôle ait été effectué par des hommes, alors que le droit russe prévoit expressément qu’il doit être effectué par une personne de même sexe. Partant, elle considère que le requérant n’a pas dépassé les limites de la critique acceptable et conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (SC)