Saisie d’une requête dirigée contre la Suisse, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 14 mai dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Gross c. Suisse, requête n°67810/10 – disponible uniquement en anglais). La requérante, ressortissante suisse née en 1931 et ne souffrant d’aucune pathologie clinique, souhaitait mettre fin à ses jours. Elle se plaignait de n’avoir pu obtenir des médecins et des autorités suisses l’autorisation de se procurer un médicament mortel. La Cour, soulignant que cette question relève de l’article 8 de la Convention, observe que, conformément à la jurisprudence de la Cour suprême fédérale suisse, un médecin peut prescrire un médicament mortel pour aider un patient à se suicider si certaines conditions, indiquées dans les directives éthiques adoptées par l’académie suisse de médecine, sont remplies. Or, la Cour relève, d’une part, que ces directives, émises par une organisation n’appartenant pas à l’Etat, n’ont pas la qualité de loi et, d’autre part, qu’elles ne concernent que les patients dont le médecin a conclu que leur maladie était en phase terminale. La Cour note que la législation suisse ne prévoit, par ailleurs, pas de directives définissant les circonstances dans lesquelles les médecins sont autorisés à prescrire un médicament létal à un individu ne souffrant pas d’une maladie en phase terminale. Elle considère, dès lors, que l’absence de directives claires posées par la loi est susceptible d’avoir un effet dissuasif sur les médecins et crée une incertitude quant à l’issue d’une demande telle que celle de la requérante, dans une situation concernant un aspect particulièrement important de sa vie de nature à lui causer une angoisse considérable. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention, sans toutefois se prononcer sur la question de savoir si la requérante aurait dû se voir accorder le médicament. (SC)