Saisie d’un renvoi préjudiciel par la High Court (Irlande), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 25 juillet dernier, l’article 1er §3 de la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (ci-après « la décision-cadre ») (LM, aff. C-216/18 PPU). Dans l’affaire au principal, le requérant, ressortissant polonais, a fait l’objet de 3 mandats d’arrêt européens émis par la Pologne. Il a été arrêté en Irlande mais n’a pas consenti à sa remise aux autorités polonaises au motif que celle-ci l’exposerait à un risque réel de déni de justice flagrant. Il soutient, en particulier, que les réformes législatives récentes du système judiciaire en Pologne le privent de son droit à un procès équitable. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 1er §3 de la décision-cadre doit être interprété en ce sens que, lorsque l’autorité judiciaire d’exécution appelée à décider de la remise d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen dispose d’éléments tenant à démontrer l’existence d’un risque réel de violation du droit fondamental à un procès équitable, en raison de défaillances systémiques ou généralisées en ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’Etat membre d’émission, ladite autorité doit vérifier, de manière concrète et précise, s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée courra un tel risque en cas de remise à ce dernier Etat. En cas de réponse positive, la juridiction de renvoi demande à la Cour de préciser les conditions auxquelles une telle vérification doit satisfaire. Dans son arrêt, la Cour considère que l’existence d’un risque réel qu’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen subisse une violation de son droit fondamental à un tribunal indépendant et, partant, de son droit fondamental à un procès équitable, est susceptible de permettre, à titre exceptionnel, de ne pas donner suite à ce mandat d’arrêt européen. Aux fins d’apprécier l’existence d’un tel risque, la Cour précise que l’autorité judiciaire d’exécution doit, dans un 1er temps, évaluer l’existence d’un risque réel de violation du droit fondamental à un procès équitable, lié à un manque d’indépendance des juridictions dudit Etat membre, en raison de défaillances systémiques ou généralisées dans ce dernier Etat sur le fondement d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés concernant le fonctionnement du système judiciaire dans l’Etat membre d’émission. Si l’autorité judiciaire d’exécution constate qu’il existe un tel risque dans l’Etat membre d’émission, elle doit, dans un 2nd temps, apprécier, de manière concrète et précise, si, dans les circonstances de l’espèce, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que, à la suite de sa remise à l’Etat membre d’émission, la personne recherchée courra ce risque. A cette fin, l’autorité judiciaire d’exécution doit solliciter auprès de l’autorité judiciaire d’émission toute information complémentaire qu’elle juge nécessaire pour l’évaluation de l’existence de ce risque. L’autorité judiciaire d’émission peut, dès lors, fournir tout élément objectif concernant les éventuelles modifications des conditions de protection de la garantie d’indépendance judiciaire, susceptible d’écarter l’existence de celui-ci pour la personne concernée. Selon la Cour, si l’ensemble de ces éléments ne permettent pas à l’autorité judiciaire d’exécution d’écarter l’existence d’un risque réel que la personne concernée subisse, dans ledit Etat membre, une violation de son droit fondamental à un tribunal indépendant et, partant, du contenu essentiel de son droit fondamental à un procès équitable, celle-ci doit s’abstenir de donner suite au mandat d’arrêt européen dont cette dernière fait l’objet. (MT)